Procès Java : première grande victoire d’Oracle contre Google

Le 20 avril 2009, Oracle annonçait le rachat de Sun Microsystems, mettant la main notamment sur Java, un langage de programmation et une plate-forme de développement alors populaire pour les développements serveurs d’entreprise, et dans une bien moindre mesure les développements clients.

C’est le langage que Google choisit pour son système d’exploitation mobile Android, sans licence ni accord commercial avec Oracle.

Le 12 août 2010, Oracle entamait des poursuites contre Google, l’accusant de violer 7 brevets Java et des droits d’auteur. Si une licence gratuite pouvait être obtenue pour Java, il fallait en respecter les conditions, ce que Google n’aurait pas fait.

« Sans consentement, autorisation, agrément ou licence, Google a sciemment, volontairement et illégalement copié, préparé et distribué l’œuvre d’Oracle America, protégée par le droit d’auteur, ainsi que certaines parties ou dérivées de l’œuvre, et continue de le faire. »*

Ce procès faisait en partie écho à celui de Sun Microsystems contre Microsoft en 1997, et qui se termina par un accord où Microsoft achetait des droits d’utilisation pour un montant d’un milliard de dollars (environ 740 millions d’euros).

En 2012, un jury déclarait qu’il n’y avait pas de vol de brevet, mais que des parties de code source, copiées en intégralité et totalité par Google, donnaient lieu à un dédommagement de 150 000 $ (environ 115 000 €) pour Oracle.

Le jury s’accordait aussi sur le fait que Google avait émulé certaines parties de la plate-forme Java tout en utilisant un code différent.

En d’autres termes Google avait copié les APIs (interfaces de programmation applicative) Java. Le jury n’arriva pas à un consensus sur la légalité de l’utilisation : la doctrine de l’usage loyal – qui apporte des limitations et des exceptions aux droits exclusifs de l’auteur sur son œuvre, au vu de l’intérêt public,  en autorisant certains usages qui seraient, autrement, considérés comme illégaux – peut-elle s’appliquer ici?

C’est le juge présidant le procès, William Alsup qui trancha. Il décida que les APIs ne pouvaient être protégées par le droit d’auteur.

En février 2013, oracle interjetait appel.

Le 22 mai 2014, la cour d’appel fédérale donnait raison à Oracle.

Elle reproche à Alsup « de ne pas avoir fait de distinction entre la question préliminaire de ce qui peut être protégé par le droit d’auteur, et de ce qui constitue une activité contrefaisante. » *

En d’autres termes, ce n’est pas parce que la taille du code copié illégalement est limitée comparée à l’ensemble de Java, qu’il n’y a pas de violation.

Google, qui avait notamment copié mot pour mot le code source d’une fonction rangeCheck, avait soutenu qu’au vu de la taille du code, 9 lignes, il n’y avait pas de violation.

La cour d’appel refuse cette défense.

« Dans la mesure où Google fait valoir qu’un nombre minimum de lignes de code doit être copié avant qu’un tribunal puisse constater une infraction, l’argument est sans fondement. » *

Google affirmait aussi qu’un code source ne devrait pas pouvoir être protégé par les droits d’auteur, mais uniquement par les brevets. Un argument que n’a pas accepté non plus la cour d’appel :

«  Jusqu’à ce que la Cour suprême ou le Congrès nous dise le contraire, nous sommes tenus de respecter la décision de la cour d’appel des États-Unis pour le neuvième circuit, pour assurer la protection de programmes logiciels en vertu des lois du droit d’auteur ». *

Enfin, la cour d’appel reproche au juge Alsup d’avoir suivi la défense de Google selon laquelle la copie du code était indispensable pour qu’Android soit interopérable avec Java, devenu standard industriel.

« Google ne cite aucune autorité pour sa suggestion que les œuvres perdent la protection du droit d’auteur lorsqu’elles deviennent populaires, et nous n’en avons trouvé aucune. De fait, la cour d’appel des États-Unis pour le neuvième circuit a rejeté l’argument qu’une œuvre qui devient plus tard la norme de l’industrie ne puisse être protégée… Google était libre de développer ses propres paquets d’APIs et d’ inciter les programmeurs à les adopter. Au lieu de cela, elle a choisi de copier le code déclaratif et la structure, séquence et organisation du code d’Oracle pour capitaliser sur la communauté préexistante de programmeurs qui étaient habitués à utiliser les paquets d’API Java. Ce désir n’a rien à voir avec la protégeabilité. » *

Google a donc bien violé les droits d’auteur d’Oracle et cette violation est suffisamment importante pour donner lieu à un procès. C’est la première grande victoire d’Oracle dans ce procès.

Le procès est donc renvoyé à la cour du district nord de la Californie, pour décider de la dernière défense : l’usage est –il loyal ou non.

Nul doute qu’Oracle ferait appel d’une décision qui approuverait l’usage loyal. Si l’usage loyal était accepté pour les APIs, les répercussions pour toute l’industrie informatique seraient énormes.

 

* Traductions: Le Diligent.