L’Irlande va réformer sa fiscalité

Depuis plusieurs décennies, l’Irlande est devenu un pays de choix d’incorporation pour les multinationales cherchant à limiter leur imposition.

Non seulement grâce à un taux de l’impôt sur les sociétés extraordinairement bas de 12,5 %, contre 40 % aux États-Unis, 21 % au Royaume-Uni ou 33,3 % en France, mais aussi à cause de failles dans les lois fiscales et potentiellement d’aides illégales, étudiées en ce moment par la Commission Européenne.

Notons que la Suisse, souvent décriée comme paradis fiscal et régulièrement sommée d’augmenter une imposition sur les sociétés jugée déloyale, a un taux moyen d’imposition sur les sociétés de 18 %, soit presque 50 % supérieur à celui de l’Irlande.

Parmi le millier de multinationales domiciliées en Irlande, on trouve notamment tout le gratin de la haute technologie, d’Apple à Microsoft en passant par Google, Adobe, Yahoo, Oracle, IBM et bien d’autres.

Sous la pression d’États auxquels ces failles coûtent des revenus considérables, le gouvernement irlandais a programmé la fin du « double Irish » à l’occasion du budget 2015.

Cette faille permet à des entreprises avec des « opérations » en Irlande de payer des redevances sur la propriété intellectuelle à des filiales incorporées à l’étranger, et le plus souvent dans des paradis fiscaux. Cette redevance permet de minimiser les taxes payées en Irlande et dans les autres pays, et de ne payer aucune taxe sur la majeure partie du bénéfice siphonné dans des paradis fiscaux.

Le montant des redevances n’obéissant pas aux règles internationales habituelles, comme les prix de transfert, l’entreprise peut décider de montants de redevances fantaisistes qui n’ont aucun rapport avec la réalité économique.

C’est ainsi que Google, par exemple, qui a son principal quartier général hors États-Unis à Dublin, va facturer la plupart de ses services utilisés en France, en Europe et ailleurs par sa filiale irlandaise, ne payant quasi aucun impôt dans ces pays sur des services avec des marges brutes avoisinant les 90 %. Le bénéficie irlandais est imputé de sa majeure partie par une redevance payée à la filiale de Google aux Bermudes.

Le ministre irlandais des finances, Michael Noonan, dans son discours de présentation du budget 2015 disait :

« La planification fiscale abusive d’entreprises multinationales a été critiquée par des gouvernements du monde entier et a porté atteinte à la réputation de nombreux pays. J’aboli la possibilité pour les entreprises d’utiliser le ‘double Irish’ en changeant les rêgles de domicilation en exigeant que toutes les entreprises incorporées en Irlande aient aussi leur résidence fiscale en Irlande ».

Pour autant, cela semble plus une manœuvre politique destinée à apaiser qu’une réelle volonté de réforme, et l’on peut penser que les répercussions seront des plus limitées, comme Crawford Spence, professeur à la Warwick Business School :

« Je suis sceptique sur l’importance réelle de cette réforme. D’une manière générale, les entreprises accordent peu de légitimité à l’impôt sur les sociétés, et les pays occidentaux semblent peu enclins à les faire payer. »

De nombreuses autres failles persistent, comme celles qu’Apple est accusée d’exploiter par la Commission Européenne. Par ailleurs, l’Irlande étudie l’opportunité d’une « knowledge development box« , un allégement fiscal pour les revenus et les redevances sur la propriété intellectuelle. Un système déjà utilisé par deux pays au fait de l’évasion fiscale : le Royaume-Uni et les Pays-Bas.