Google Moscou

La Commission européenne inflige une amende à Google de 2,42 milliards d’euros pour abus de position dominante

En conférant un avantage à son service de comparaison de prix, Google a abusé de sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche, en contravention de l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et l’article 54 de l’accord EEE.

Cette accusation de la Commission européenne, suite à ses communications des griefs en avril 2015 et juillet 2016, est assortie d’une amende de 2,42 milliards d’euros.

Cela peut paraître élevé, et l’on peut être sûr que l’administration Trump va s’en émouvoir. Toutefois, il s’agit de moins de la moitié du bénéfice net d’Alphabet au dernier trimestre.

Google doit mettre fin aux pratiques qui lui sont reprochées dans les 90 jours, sans quoi elle sera soumise à des astreintes pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires moyen réalisé quotidiennement au niveau mondial par Alphabet, la société mère de Google.

Près de 90 % des recettes de Google proviennent des publicités, majoritairement de son moteur de recherche.

En 2004, Google est arrivée sur le marché distinct des services de comparaison de prix en Europe en lançant un produit appelé au départ « Froogle », rebaptisé ensuite « Google Product Search » en 2008 et dénommé depuis 2013 « Google Shopping ».

Ce produit permet aux consommateurs de comparer des produits et des prix en ligne et de trouver des offres de détaillants en ligne de toute sorte, dont des magasins en ligne de fabricants, des plateformes (comme Amazon et eBay) et d’autres revendeurs.

Lorsque Google est arrivée sur les marchés des produits de comparaison de prix, plusieurs acteurs y étaient déjà bien implantés. Google avait connaissance des résultats médiocres de Froogle sur le marché (selon un document interne de 2006 : « Froogle simply doesn’t work »).

Pour être compétitifs, les services de comparaison de prix dépendent en grande partie du trafic généré, dont dépendent directement les recettes, et la propension des détaillants à inscrire leurs produits sur un service de comparaison de prix.

Compte tenu de la domination exercée par Google sur le marché de la recherche générale sur Internet, son moteur de recherche est une source importante de trafic pour les services de comparaison de prix.

En 2008, Google a commencé à introduire sur les marchés européens un changement fondamental dans sa stratégie visant à promouvoir son service de comparaison de prix, fondée sur sa domination sur le marché de la recherche générale sur Internet, et non sur une concurrence basée sur les mérites de son service de comparaison de prix :

  • Google a toujours accordé une position de premier plan à son propre service de comparaison de prix : lorsqu’un consommateur introduit une demande dans le moteur de recherche de Google, pour laquelle le service de comparaison de prix de Google souhaite montrer des résultats, ceux-ci sont affichés en haut ou dans la première partie des résultats de recherche ;
  • Google a rétrogradé les services de comparaison de prix concurrents dans ses résultats de recherche : les services concurrents de comparaison de prix apparaissent dans les résultats de recherche de Google sur la base des algorithmes de recherche générique de Google. Google ayant assorti ces algorithmes de plusieurs critères, les services de comparaison de prix concurrents sont rétrogradés.
    Il est établi que même le service concurrent le mieux classé n’apparaît en moyenne qu’à la page quatre des résultats de la recherche de Google, les autres figurant encore plus bas. Le service de comparaison de prix de Google n’est pas soumis aux algorithmes de recherche générique de Google, ni en particulier à ces rétrogradations.

Or il est établi que les clients privilégient de façon disproportionnée les premiers résultats affichés, sur la première page, une tendance encore accentuée sur mobile.

Les effets ne se sont pas fait attendre : depuis les abus, le trafic du service de comparaison de prix de Google a été multiplié par 45 au Royaume-Uni, par 35 en Allemagne, par 29 aux Pays-Bas, par 19 en France, par 17 en Espagne et par 14 en Italie.

À l’inverse, les concurrents ont vu leur trafic s’effondrer soudainement de 85 % au Royaume-Uni et jusqu’à 92 % en Allemagne et 80 % en France.

Pour Margrethe Vestager, la commissaire chargée de la politique de concurrence :

«Google est à l’origine d’un grand nombre de produits et de services innovants qui ont changé notre vie, ce qui est positif. Mais sa stratégie relative à son service de comparaison de prix ne s’est pas limitée à attirer des clients en rendant son produit meilleur que celui de ses concurrents. En effet, Google a abusé de sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche en favorisant son propre service de comparaison de prix dans ses résultats de recherche et en rétrogradant ceux de ses concurrents.

Ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrence de l’UE. Elle a empêché les autres sociétés de livrer concurrence sur la base de leurs mérites et d’innover. Et surtout, elle a empêché les consommateurs européens de bénéficier d’un réel choix de services et de tirer pleinement profit de l’innovation.»

La Commission européenne est déjà parvenue à la conclusion préliminaire selon laquelle Google a abusé de sa position dominante dans deux autres cas, qui sont encore en cours d’examen : le système d’exploitation Android et AdSense.