Uber France: l’étau juridique se resserre

Uber France est poursuivie au pénal pour avoir organisé, via le service UberPop, un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels qui transportent des personnes à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places.

Uber France soutient que la réglementation française sur la base de laquelle elle est poursuivie constitue une règle technique qui concerne directement un service de la société de l’information au sens de la directive relative aux normes et réglementations techniques.

Cette directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998 oblige les États membres à notifier à la Commission tout projet de loi ou de réglementation édictant des règles techniques relatives aux produits et services de la société de l’information.

Comme les autorités françaises n’ont pas notifié le projet de loi à la Commission avant sa promulgation, Uber France en déduit qu’elle ne saurait être poursuivie pour les charges précitées.

Saisi de l’affaire, le tribunal de grande instance de Lille a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne si les autorités françaises étaient tenues ou non de notifier préalablement le projet de loi à la Commission.

Dans ses conclusions de ce jour, l’avocat général Maciej Szpunar considère que, indépendamment de savoir si le service UberPop relève de la directive ou non, les États membres peuvent interdire et réprimer l’exercice illégal d’une activité de transport telle que UberPop sans devoir notifier au préalable le projet de loi à la Commission.

Le 11 mai 2017, l’avocat général, dans l’affaire C434/15 impliquant Uber Espagne, avait déjà conclu que, juridiquement, Uber devait être considéré comme une entreprise de transport, et non comme un service de la société de l’information.

Si l’avis de l’avocat général n’est pas contraignant pour la Cour de justice de l’Union européenne. Il est toutefois généralement suivi.

Quand bien même la Cour considérerait que UberPop constitue un service de la société de l’information, l’avocat général estime que qu’interdire ou réprimer l’exercice illégal d’une activité de transport ne constitue pas une « règle technique » au sens de la directive.

L’obligation de notification ne s’applique, entre autres, qu’aux règles techniques qui ont pour finalité et pour objet spécifiques de réglementer de manière explicite et ciblée l’accès aux services de la société de l’information et l’exercice de ceux-ci ; en revanche, les règles qui ne concernent ces services que de manière implicite ou incidente sont exclues de l’obligation de notification.

Pour Szpunar, bien que touchant principalement un service de la société de l’information, la réglementation française en cause vise non pas à réglementer spécifiquement ce service, mais uniquement à assurer l’effectivité des règles relatives aux services de transport (services qui ne sont pas couverts par la directive).

Les autorités françaises n’étaient donc pas tenues de notifier préalablement le projet de loi à la Commission.

À moins que la Cour ne contredise par deux fois son avocat général, l’étau se resserre donc sur Uber France, qui perd son argument clé de défense.