Affaire Cambridge Analytica: la contrition bon marché de Kogan

Aleksandr Kogan, le jeune professeur de psychologie de l’Université de Cambridge au cœur du scandale Cambridge Analytica, a décidé finalement de s’entretenir avec les médias pour fournir sa version des faits, quelques jours avant de devoir témoigner devant les autorités.

Cambridge Analytica comme Facebook accusent Kogan, d’origine russe, de les avoir trompés sur la façon dont les informations personnelles d’environ 90 millions d’utilisateurs de Facebook ont été illégalement collectées, et à quelles fins ces données ont été collectées. Facebook a banni Kogan de son réseau social.

Dans un entretien télévisé pour l’émission 60 Minutes, Kogan affirme :

« L’opinion dans la Silicon Valley et certainement notre opinion à cette époque était que le public devait être conscient que leurs données personnelles étaient vendues, partagées et utilisées pour leur faire de la publicité. »

Kogan a été engagé contractuellement par Cambridge Analytica en juin 2014, le premier mois d’existence de l’entreprise, et a moissonné les informations pendant l’été en demandant aux utilisateurs de Facebook de répondre à un long questionnaire de personnalité.

Le questionnaire n’était pas hébergé sur Facebook, mais sur Qualtrics, une entreprise spécialisée dans les questionnaires en ligne. Il était demandé aux participants d’autoriser l’accès à leur profil Facebook. Dès qu’ils s’exécutaient, une application développée par Kogan dans ce seul but allait récolter leurs données personnelles ainsi que les données personnelles de tous leurs amis. Sans qu’ils en aient conscience ou qu’ils l’aient expressément approuvé, leurs noms, dates de naissances, données de localisation, la liste de tous les pages de Facebook qu’ils aient jamais aimé, étaient téléchargés par Kogan.

Ce dernier point nous semble consternant. Si la légalité de la collecte des informations est discutable, même si de notre point de vue illégale, l’illégalité de la collecte des informations des amis des participants au questionnaire est indiscutable, au moins dans certaines régions comme l’Union européenne, ce que ne pouvait ignorer aucun acteur du scandale à l’époque.

Facebook affirme que les participants étaient informés que leurs données ne seraient utilisées qu’à des fins académiques. Cambridge Analytica affirme que Kogan leur avait garanti que l’application respectait les règles de Facebook.

The Times a montré qu’à l’époque des faits, il était stipulé dans les conditions d’utilisation de l’application, que les données des participants pourraient être exploitées à des fins commerciales. Des conditions qui violaient les règles de Facebook.

Kogan se replie devant ce fait, accusant Facebook de ne s’être jamais senti concerné et de n’avoir jamais fait appliquer les règles.

Facebook a également directement travaillé avec Kogan, embauché comme consultant en novembre 2015 pour expliquer les techniques utilisées chez Cambridge Analytica, sur la façon dont l’entreprise révèle un aspect de la personnalité du participant à partir des pages qu’il aime sur le réseau social.

Kogan affirme qu’à l’époque, il pensait que ce qu’il faisait était correct.

Aujourd’hui, son opinion aurait beaucoup changé.

Une défense qui nous paraît faible. Comment peut-on enfreindre en toute connaissance de cause les règles de Facebook et penser qu’on agit correctement ? Pourquoi cacher dans les conditions d’utilisation une clause illégale d’utilisation commerciale quand on n’a rien à cacher ?

Pourquoi cette contrition bon marché ne se traduit-elle pas par le reversement des sommes considérables gagnées en vendant illégalement les données personnelles de près de 90 millions d’utilisateurs de Facebook à Cambridge Analytica ?

Kogan est bien au cœur du scandale, il a bien enfreint les clauses du contrat qui le liaient à Facebook sur l’exploitation des données, en toute connaissance de cause, s’est bien enrichi en collectant ces données pour Cambridge Analytica. Dans ces conditions, il n’apparaît pas comme impossible qu’il ait également trompé Cambridge Analytica sur le respect supposé des règles de Facebook.