Daniel PatrickMoynihan Courthouse NY

Microsoft conteste l’ordonnance sur la divulgation d’un courriel stocké à l’étranger

Une cour américaine peut-elle émettre un mandat de perquisition pour l’étranger?

James C. Francis IV
James C. Francis IV

Aux États-Unis, les cours de justice ne sont pas habilitées à délivrer des mandats de perquisition dans d’autres pays.

Pourtant, le juge James C. Francis de la Cour de district des États-Unis pour le district sud de New York a décidé en avril (In re Matter of Warrant) que cette restriction ne s’appliquait pas aux mandats de perquisition de données.

Il statuait dans le cas de Microsoft, qui avait refusé de fournir des données d’un client, hébergées dans son centre de données de Dublin en Irlande, à une agence gouvernementale américaine. Il ordonnait à Microsoft de divulguer les courriels.

 

 Microsoft s’engage à protéger ses clients

Microsoft avait respecté ce mandat pour tous les renseignements hébergés aux États-Unis, mais une fois découvert que le compte de courriel était hébergé sur un serveur à Dublin, Irlande, n’avait pas donné d’informations supplémentaires et avait demandé au juge d’annuler le mandat, d’après la loi américaine sur les mandats de perquisition qui ne peuvent avoir lieu à l’étranger.

Brad Smith
Brad Smith

Le 4 décembre 2013, le directeur juridique de Microsoft, Brad Smith, avait affirmé dans un article de blogue, Protéger les données des clients de l’espionnage gouvernemental: *

Nous prendrons également de nouvelles mesures pour renforcer la protection juridique des données de nos clients. Par exemple, nous nous engageons à informer les clients d’entreprises et les clients gouvernementaux si nous recevons des ordres juridiques concernant leurs données.

Si une ordonnance de non-publication essaie de nous interdire de le faire, nous la contesterions devant le tribunal. Nous l’avons fait avec succès par le passé, et nous continuerons de le faire dans l’avenir pour préserver notre capacité à alerter les clients lorsque des gouvernements cherchent à obtenir leurs données. Et nous ferons valoir nos objections juridiques quand les gouvernements cherchent les données d’un client qui sont hébergées dans un pays tiers.

 

L’objection de Microsoft

Début juin, Microsoft conteste à nouveau cet ordre. La firme de Redmond, Washington, s’oppose à l’autorité des procureurs fédéraux. Elle affirme que ce mandat de perquisition n’est justifié ni par la loi, ni par la constitution. Ce serait la première fois qu’une entreprise conteste la validité d’un mandat de perquisition.

« Le Congrès n’a pas autorisé l’émission de mandats de perquisition dont l’objet est en dehors des États-Unis. Le gouvernement ne peut demander, et une Cour ne peut délivrer un mandat de perquisition permettant aux agents fédéraux de forcer la porte des locaux à Dublin. » Et

« Si l’ordonnance judiciaire de délivrer le courriel stocké à l’étranger était maintenue, elle violerait les lois et les traités internationaux, et appauvrirait la protection de la vie privée et des données personnelles de tous les citoyens du monde. »

Lors d’un discours à la conférence Personal Democracy Forum, qui s’est tenue du 5 au 6 juin à New York, Brad Smith comparait le mandat reçu aux « mandats généraux » émis par les Anglais du temps de la colonisation.

« Le mandat ordonne à Microsoft d’aller de bâtiment en bâtiment, et de pays en pays, dans tous les centres de traitement de données de Microsoft, pour rechercher, trouver et transmettre une information recherchée par le gouvernement.  En un sens, c’est le mandat de perquisition le plus vaste que l’on puisse littéralement imaginer au XXIe siècle.»

Le centre de traitement de données de Dublin a ouvert en 2010. Microsoft a plus de 100 centres similaires dans 40 pays. Depuis 1989, Microsoft a investi plus de 15 milliards de dollars dans ses infrastructures, utilisées notamment par son service Cloud Microsoft Azure, disponible dans 89 pays.

 

L’inquiétude des entreprises américaines

L’affaire a attiré l’attention des associations de protection de la vie privée, et des grandes entreprises technologiques américaines, qui s’en inquiètent. Verizon a envoyé mardi un mémoire amicus curiae à la Cour pour soutenir Microsoft :

« La décision, si elle était maintenue, coûterait des milliards de revenus aux entreprises américaines, saperait les accords et les arrangements internationaux, et inciterait les gouvernements étrangers à répliquer en forçant les filiales étrangères d’entreprises américaines à fournir des données de clients stockées aux États-Unis. »

On s’attend que d’autres entreprises américaines envoient des mémoires amicus curiae. L’Electronic Frontier Foundation en rédige une autre. La juge Loretta A. Preska entendra les plaidoiries le 31 juillet. Elle pourrait prendre quelques semaines pour publier une décision. Et Microsoft pourrait le cas échéant interjeter un appel. * Traductions: le Diligent