Les utilisateurs de Facebook sont des rats de laboratoire

Mise à jour du 1er juillet 2014. En fait, les conditions d’utilisation de Facebook à l’époque des faits reprochés ne mentionnaient même pas la recherche, alors qu’elle venait de trouver un accord avec la FCC qui l’accusait de pratiques « malhonnêtes et mensongères ».

 

De la qualification abusive « d’information de l’utilisateur »

Facebook, le service qui piste les internautes sans consentement, y compris les non-utilisateurs, et qui n’honore pas les demandes « do not track » des navigateurs, utilise ses abonnés comme rats de laboratoire. Comme tous les rats sans consentement et sans connaissance des expérimentations.

En décembre 2013 par exemple, on apprenait que la firme enregistrait et stockait toutes les actions inachevées. Par exemple, le fait de ne pas répondre à une demande d’amitié. Ou alors le statut, ou le commentaire que vous écrivez mais vous retenez de publier. Il sera quand même conservé par Facebook et analysé, comme toutes les autres autocensures.

Clairement l’utilisateur n’a même pas idée que les informations sont envoyées à Facebook alors même qu’il n’a pas confirmé l’envoi par l’appui sur le bouton « publier » ou dans le cas d’un commentaire par l’appui sur la touche « entrée ».  Il nous semble du reste peu probable que cela soit considéré comme une information de l’utilisateur, et que son utilisation soit légale, mais malheureusement c’est le genre de pratique mafieuse qui n’intéresse pas les députés.

En fait l’entreprise se permet même de suivre le mouvement de la souris des utilisateurs. À quand l’enregistrement par webcam, comme les services secrets anglais ?

 

Rats de laboratoire

Aujourd’hui, on vient de découvrir encore pire. En 2012, Facebook a manipulé les émotions de près de 700 000 utilisateurs, sans leur consentement actif, en trafiquant leur fil d’actualité avec des commentaires plus ou moins négatifs ou plus ou moins positifs. Pour voir si cela allait les déprimer ou les rendre euphoriques. Et pour voir si les émotions sont contagieuses sur les réseaux sociaux (elles le sont).

Pour se justifier, la firme se réfère, comme de coutume, aux conditions d’utilisation du service. En l’occurrence, dans la partie « utilisation des informations que nous recevons » :

Pour des opérations internes dont le dépannage, l’analyse de données, les tests, la recherche et l’amélioration des services.

Soit un mot vague sans contexte parmi les 10 000 des conditions d’utilisation.

Néanmoins, cette pratique, qui fleure bon les années 39-45*, suscite l’indignation de nombreux utilisateurs comme de nombreux universitaires et chercheurs.

On notera d’abord que la phrase des conditions s’applique à l’utilisation de données de l’utilisateur, pas de données falsifiées ou manipulées. De toute évidence il s’agit d’une tromperie de l’utilisateur, et l’on voit mal comment Facebook ne pourrait pas perdre devant un tribunal, dans l’hypothèse d’un procès. D’autre part elle s’applique à la recherche pour l’amélioration des services, et en aucun cas de tout type de recherche comme la recherche psychologique.

Dans de nombreux pays, la recherche psychologique sans consentement actif est illégale.

Dans la plupart des universités, les projets de recherche doivent être approuvés par un comité d’éthique avant de pouvoir démarrer.

L’université de Cornell, qui a donné son accord pour la publication dans un journal universitaire, est d’ailleurs sous le feu des critiques. Elle affirme avoir donné son accord pour l’analyse de données, et non pas sur le moyen frauduleux d’obtenir les données. Et elle a dû confirmer que l’étude n’avait pas été financée par l’armée.

 

On n’a rien fait de mal

Ce qui choque encore plus le monde de la recherche, c’est que Facebook, encore une fois, n’a pas l’air de comprendre les raisons de l’émoi.

D’après un porte-parole :

« Nous menons des recherches pour améliorer nos services et rendre le contenu vu sur Facebook aussi pertinent et intéressant que possible ».

Ce qui semble en parfaite contradiction avec une recherche qui de fait était une recherche universitaire publiée dans des revues scientifiques.

La vraie raison apparaît plus candidement dans une lettre d’Adam Kramer, le responsable de l’étude :

« … nous étions inquiets que l’exposition à des commentaires négatifs d’amis puisse inciter des gens à éviter de visiter Facebook. »

Certains commentateurs s’étaient plaints, avant que l’affaire ne soit connue, de la culture corporative de viol des entreprises technologiques à propos de l’obtention supposée du consentement du consommateur.

« L’industrie de la technologie ne croit même pas en l’obtention d’un accord exprès. »

Facebook aura eu à cœur de prouver cette affirmation.

 

* Le premier des dix principes fondamentaux du code de Nuremberg sur l’expérimentation médicale est le consentement volontaire du sujet.