Dell s’offre EMC pour 67 milliards de dollars

La société Dell, le fonds d’investissement MSD Capital de Michael Dell et la société de capital-investissement Silver Lake, rachètent conjointement EMC Corp pour 67 milliards de dollars (59 milliards d’euros). Il s’agit du plus gros rachat technologique de l’histoire.

Les actionnaires d’EMC recevront 24,05 $ par action plus une action de suivi (tracking stock) dans la filiale VMware dont la valeur est estimée à 9 $. Les tracking stocks sont des actions qui fluctuent en fonction des résultats d’une division ou d’une filiale, mais sans donner droit aux actifs sous-jacents. Ce qui correspond à une prime de 28 % sur le cours de l’action EMC au 7 octobre 2015.

EMC est le leader des solutions de stockage externe pour entreprise, avec presque un tiers du marché. Sa filiale VMware est un acteur majeur du marché de la virtualisation logicielle et sa filiale RSA est l’un des noms les plus connus de la sécurité informatique.

Pour Dell, l’acquisition bénéficie autant aux clients qu’aux partenaires, avec des offres complémentaires dans des secteurs à forte croissance : transformation numérique, centres de traitements de données définis par logiciels, nuage informatique hybride, mobile et sécurité. EMC et Dell sont partenaires depuis de nombreuses années dans le domaine du stockage. L’acquisition serait rentabilisée par les ventes accrues de serveurs et de logiciels VMvare ou de stockage EMC.

EMC sera dirigée par Michael Dell, mais restera indépendante.

Les actionnaires d’EMC semblent les grands gagnants de la transaction. Même si EMC domine ses marchés, sa croissance anémique (2 % au dernier trimestre, et ses résultats annuels en baisse de 6 %) a inquiété, d’où une première vague de 1 500 licenciements au premier trimestre, et l’arrivée d’Elliot Management, un fonds d’investissement ‘activiste’ dont le modèle d’affaires est de pousser les entreprises dans lesquelles il investit, à créer par tous les moyens les plus grandes plus-values à court terme. En général par des licenciements massifs, ou la vente d’entreprise en morceaux.

Elliott faisait pression pour obtenir la vente ou l’introduction en Bourse de la filiale VMware. Les dirigeants souhaitaient au contraire garder cette activité.

Que Dell sorte aussi gagnant de l’acquisition semble moins sûr.

Le numéro deux du marché des serveurs est déjà très endetté (au moins 11 milliards de dollars) par sa sortie de la bourse et sa privatisation par achat à effet de levier pour 25 milliards de dollars il y a deux ans. Avec cette transaction, c’est 50 milliards de dollars de dette supplémentaire que devront se partager les trois partenaires, déjà si dépendant de la firme texane, puisqu’ils sont ses deux principaux actionnaires. Temasek Holdings, le fonds souverain de Singapour, participe au financement.

Dans le domaine du stockage, si Dell n’est que le sixième acteur du marché en valeur, il est déjà le numéro un mondial en capacité vendue. On peut se demander si les perspectives du stockage externe sont positives au moment où de plus en plus d’entreprises migrent, au moins en partie, leur stockage sur le nuage informatique. Enfin, on notera que le fabricant de serveurs et de stations de travail Sun, qui avait racheté StorageTek en 2005, espérait vendre ses serveurs aux clients de StorageTek. C’est l’inverse qui se produisit : les ventes de Sun ne se sont pas améliorées et la forte croissance de StorageTek était réduite à néant du fait de la méfiance de ses clients.

Ne pas fusionner Dell et EMC limite forcément les économies de synergie. L’indépendance pourrait en revanche faciliter une future vente en morceaux d’EMC.