Free Basics de Facebook est interdit en Inde

TRAI, l’Autorité de régulation des télécoms en Inde, vient de publier une nouvelle régulation, Prohibition of discriminatory tariffs for data services regulations, 2016, qui proscrit les tarifs discriminatoires pour les services de données. Il est interdit d’offrir, ou de faire payer moins un service en fonction du contenu auquel on a accédé.

Les seules exceptions sont les services d’urgences, et tous les services en période d’urgence publique critique.

La motivation de la nouvelle régulation est la neutralité du Net. En laissant les utilisateurs accéder à certaines applications ou certains sites Web sans que le trafic soit décompté de leur forfait mobile on fausse la concurrence. On incite le consommateur à utiliser un service plutôt qu’un autre, ce qui désavantage particulièrement les start-up, et créé une barrière à l’innovation.

Est en premier lieu visée par cette régulation l’offre Free Basics de Facebook, c’est-à-dire Facebook et quelques autres services alibis. Même s’il concerne aussi d’autres services similaires, comme Airtel Zero.

Facebook n’a pas réussi à convaincre le monde de la portée caritative de son service, offert dans un premier temps sous l’égide de l’association ‘à but non lucratif’ Internet.org, fondée en juillet 2014. Son seul but est clair : il s’agit de développer sa clientèle pour augmenter son audience publicitaire, car l’entreprise ne pourra pas éternellement compter sur une augmentation régulière du revenu par utilisateur, une augmentation qui touche d’ailleurs presque exclusivement ses utilisateurs d’Amérique du Nord.

Sous le feu des critiques internationales, Facebook avait dû renommer l’offre Free Basics.

En avril 2015, la coalition Save The Internet affirmait :

« Le projet ambitieux de Zuckergber consiste à faire croire à des centaines de millions de citoyens de pays émergents que Facebook et Internet sont une seule et même chose. »

Quelques jours plus tard, deux entreprises se retiraient d’Internet.org, citant des soucis quant à sa neutralité.

La TRAI lançait une consultation nationale sur la neutralité du net, et recevait plus d’un million de pétitions d’Indiens soutenant la neutralité.

En décembre 2015, la TRAI lançait une autre consultation nationale, et demandait aux Indiens si les opérateurs télécoms pouvaient proposer des tarifs différenciés pour les transferts de données pour l’accès aux sites Web, applications ou plateformes.

Une nouvelle campagne de Save The Internet s’activait, et Free Basics de Facebook était temporairement Interdit.

Pendant ce temps, Facebook dépensait plus de 40 millions d’euros en spots télévisuels, panneaux publicitaires, publicités dans la presse, et en notifications pour écrire à la TRAI leur soutien pour un Internet gratuit – comme si c’était le but de Free Basics. Zuckerberg écrivait même une opinion dans le quotidien The Times of India pour défendre Free Basics, s’estimant victime de fausses rumeurs.

Si Zuckerberg tient autant qu’il l’affirme à permettre à des centaines de millions d’Indiens d’accéder à Internet, il faudra donc qu’il finance un accès à Internet sans discrimination, et pas uniquement à Facebook. On peut toujours rêver.

Notons que la portée du débat dépasse largement les frontières indiennes.

Aux États-Unis, l’opérateur T-mobile a lancé le programme Binge On en novembre 2015. Il permet à ses clients de visionner des services de 42 partenaires comme Netflix, HBO, Amazon ou Hulu, sans que les données transmises ne soient décomptées de leur limite mensuelle de données. De nombreuses voix, y compris celles de professeurs de droit de l’Université de Stanford, estiment que le programme va à l’encontre des règles de neutralité du Net édictées par la FCC.