Apple devra payer près de 13 milliards d’euros d’arriérés d’impôts en Irlande

La décision de la Commission européenne

Les pronostics oscillaient entre 1 et 18 milliards d’euros. Finalement, après deux ans d’enquête, la Commission européenne a ordonné aujourd’hui à Apple de payer aux autorités fiscales irlandaises 13 milliards d’euros d’arriérés d’impôts sur plus d’une décennie.

Bien évidemment, le ministre des finances de l’Irlande, Michael Noonan « n’est pas du tout d’accord » avec la Commission.

Et dans une lettre ouverte cinglante à la communauté Apple en Europe, Tim Cook, le PDG d’Apple, accuse la Commission de révisionnisme fiscal, de s’immiscer dans le droit fondamental d’un État membre à fixer ses impôts et de chambouler la fiscalité internationale.

L’Irlande comme Apple vont faire appel de la décision.

Qu’est-il reproché ?

La Commission européenne, qui rappelle que la somme demandée n’est ni une amende ni une punition, mais bien le paiement d’un arriéré, reproche aux autorités fiscales irlandaises et à Apple d’avoir convenu d’une entente de faveur qui a permis à Apple de profiter d’un taux d’imposition effectif de 0,005 % à 1 % de ses profits européens sur plus de dix ans. *

Apple_Irlande_Aide_Illégale

Si chaque État membre de l’Union européenne est libre de fixer ses propres taux d’imposition, et en l’occurrence le taux d’imposition des entreprises en Irlande n’est que de 12,5 %, il est interdit aux autorités fiscales de donner des avantages déloyaux et anticompétitifs à certaines entreprises, quelle que soit leur nationalité ou taille.

La Commission assimile ainsi les avantages donnés à Apple à une aide d’État illégale, et exige qu’Apple rembourse la différence entre ce qu’elle a payé, et ce qu’elle aurait dû payer si elle avait été traitée comme toute autre entreprise implantée en Irlande.

Conséquences

Les autorités fiscales irlandaises sont donc tenues d’obtenir environ 13 milliards d’arriérés d’impôts d’Apple, sur la période de dix ans commençant en 2003. Environ, car la somme dépendra des diverses décisions que prendront, suite à la décision de la Commission européenne, les autorités fiscales des États membres comme des États-Unis sur l’imposition d’Apple. S’ils exigent plus d’impôts, la facture irlandaise sera d’autant plus réduite.

La somme de 13 milliards d’euros d’arriérés peut sembler mirobolante, mais il ne s’agit que d’environ 100 jours de profits d’Apple, et de moins de 8 % du « trésor de guerre » que la firme de Cupertino garde hors des États-Unis. Car rapatrier ces profits donnerait lieu à une imposition dans son pays d’origine.

Depuis des mois, les États-Unis ont mené en politique de lobbying et de dénigrements de la Commission européenne, l’accusant de cibler en particulier les multinationales américaines.

Apple affirme suivre la loi des pays dans lesquels elle est implantée, et réfute avoir profité d’un d’une offre spéciale mais n’offre pas de justification sur son taux effectif ridicule d’imposition.

Si jamais Apple prévalait devant les tribunaux, on ose espérer que la décision de justice mènerait les législateurs à revoir en profondeur un système fiscal international qui avantage de façon éhontée les grandes multinationales.

Dans un monde économique où les multinationales attribuent à leur convenance les profits entre le pays et les entités, même purement factices, l’impôt sur les sociétés serait avantageusement remplacé par un impôt s’appuyant sur des réalités économiques plus tangibles et moins manipulables, comme le montant des ventes.

 

* Dans le détail:

« À l’issue d’une enquête approfondie en matière d’aides d’État ouverte en juin 2014, la Commission européenne a conclu que deux rulings fiscaux émis par l’Irlande en faveur d’Apple avaient substantiellement et artificiellement réduit le montant de l’impôt payé par l’entreprise en Irlande depuis 1991. Les rulings avalisaient une méthode de calcul des bénéfices imposables pour deux sociétés de droit irlandais appartenant au groupe Apple (Apple Sales International et Apple Operations Europe) qui ne correspondait pas à la réalité économique: pratiquement tous les bénéfices de vente enregistrés par les deux sociétés étaient affectés en interne à un «siège». L’appréciation de la Commission a montré que ces «sièges» n’existaient que sur le papier et n’auraient pas pu générer de tels bénéfices. Ces bénéfices affectés aux «sièges» n’étaient soumis à l’impôt dans aucun pays en vertu de dispositions spécifiques du droit fiscal irlandais, qui ne sont plus en vigueur. Conséquence de la méthode d’affectation avalisée dans les rulings fiscaux, le taux d’imposition effectif sur les sociétés appliqué à Apple sur les bénéfices d’Apple Sales International n’était que de 1 % en 2003 et est passé à 0,005 % en 2014. »