GCHQ

La surveillance de masse par les services secrets britanniques est jugée illégale

Le 8 juin 2015, l’association de défense des droits de l’homme Privacy International traînait devant les tribunaux de l’Investigatory Powers Tribunal (IPT) le Secrétaire d’État en charge des affaires étrangères et du Commonwealth, le Secrétaire d’État du Bureau de l’Intérieur, et les services secrets (GCHQ, MI5 et MI6).

L’association accusait les services secrets d’avoir illégalement collecté, stocké et utilisé en secret et en masse les données personnelles des citoyens britanniques, sur les connexions téléphoniques comme les connexions Internet, en s’appuyant notamment sur des directives secrètes d’après la section 94 du Telecommunications Act 1984.

Les autorités britanniques avaient toujours démenti avoir utilisé les pouvoirs de la section 94, jusqu’à ce que Theresa May présente le 4 novembre 2015 une esquisse de loi sur les pouvoirs d’enquête, Investigatory Powers Bill, et reconnaisse que la collecte indiscriminée de données s’effectuait depuis des années. Un aveu qui n’aurait jamais été fait sans la procédure engagée par l’association de défense.

Les données récoltées, de façon ouverte ou secrète, incluaient des volumes considérables de données biographiques, financières, de communications, de déplacements, en plus des données de communications d’après la section 94 et les interceptions sous mandat.

Pour Privacy International, cette surveillance de masse porte atteinte au droit à la vie privée garanti par l’Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans un jugement de 70 pages, l’Investigatory Powers Tribunal, le seul tribunal au Royaume-Uni compétent pour adresser les plaintes d’atteintes à la vie privée des autorités publiques, des forces de l’ordre et des services secrets, vient de statuer.

En résumé, l’IPT juge que jusqu’à juillet 2015, il n’y a pas eu de contrôle du système de collecte de masse des données personnelles, et qu’il n’y avait aucun code de conduite sur la collecte des données personnelles et sur la collecte des données de communications.

Il n’y avait en particulier aucune protection contre l’utilisation illicite par les équipes des informations sur les collègues, les voisins, les membres de la famille ou les personnalités publiques.

Pour ces raisons, les activités de surveillance de masse depuis plus de dix ans sont jugées enfreindre l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, et sont illégales.
Dorénavant, Privacy International veut obtenir la confirmation que les données acquises illégalement ont été, ou seront détruites.

Le Royaume-Uni est l’allié le plus proche des États-Unis pour le renseignement. Il aura fallu la dénonciation par Edward Snowden de la surveillance de masse des citoyens américains, puis de la reconnaissance de son illégalité, pour que le Royaume-Uni s’interroge à son tour.

Une interrogation qui n’est pas d’actualité en France, où le gouvernement et les agences de renseignement se sont arrogé des droits supplémentaires, au détriment du droit au respect de la vie privée, au prétexte de combattre le terrorisme.