Après avoir applaudi la décision antitrust européenne contre Google, un chercheur est renvoyé de son Think Tank

Barry Lynn, un universitaire appartenant au groupe d’experts New America et en charge du programme Open Markets, a félicité l’Union Européenne pour avoir infligé une amende de 2,42 milliards d’euros à Google pour abus de position dominante afin de privilégier dans son moteur de recherche ses propres services de commerce en ligne.

La publication apparaissait puis disparaissait plusieurs fois du site du Think Tank, et quelques jours après, il était renvoyé, ainsi que les neuf autres membres d’Open Markets, de New America.

Cette nouvelle émeut aux États-Unis, car c’est la première fois que Google, premier lobbyiste du pays, se fait prendre à abuser de son influence pour faire virer les académiques qui le critiquent.

Bien évidemment, New America et Google réfutent : Lynn aurait été remercié car il aurait refusé à plusieurs reprises de se plier aux standards d’ouverture et de collégialité de New America.

Comme beaucoup d’autres Think Tanks et associations influentes, New America a perçu des dizaines de millions de dollars de Google. La meilleure façon pour le géant d’exercer une pression est de menacer de cesser les donations.

Google utilise une partie de ses énormes bénéfices pour acheter de l’influence partout, de la Maison Blanche – sous Obama, ses équipes rencontraient celles du président au moins une fois par semaine, avait révélé le Wall Street Journal en 2015 – dans toutes les administrations fédérales, au Congrès, aux médias, au monde universitaire et de la recherche. Google est également devenu le maître du financement de myriades d’organisations à but non lucratif.

C’est ainsi qu’inexplicablement, la plainte de la FTC sur les mêmes abus de position dominante reprochés par les autorités antitrust américaines, a soudainement, et sans raison, été étouffée. Elle se basait sur des années d’enquête, et un rapport de 160 pages de la FTC très critique :

« Google utilise son pouvoir de monopole de moteur de recherche pour extraire les fruits des innovations de ses compétiteurs […] Sa conduite a résulté en, et continuera de résulter à faire du tort aux consommateurs, et à l’innovation dans les domaines des moteurs de recherche et de la publicité en ligne. »

Il est bien connu que de nombreux académiques, des établissements les plus réputés comme Harvard, publient, quand Google en a besoin, des études défendant ou justifiant ses actions, tout en omettant de divulguer qu’ils sont payés, à la commande ou de façon permanente, par Google.

Google aide à organiser régulièrement des conférences dans le but de présenter des arguments pro Google aux régulateurs clés enquêtant sur la firme.

Eric Schmidt, ancien CEO de Google et toujours président du conseil d’administration d’Alphabet, également président de New America jusqu’en 2016, aurait ainsi communiqué sans détour son mécontentement à Anne-Marie Slaughter, actuelle présidente de New America.

Slaughter s’est défendue sur Twitter, affirmant que l’article du New York Times était faux, mais sans donner aucune précision.

Luther Lowe, qui a travaillé pendant six ans sur l’enquête antitrust contre Google, affirme que « C’est à la fois la chose la plus choquante et la moins surprenante que j’ai lue. »