Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne: victoire majeure de Max Schrems contre Facebook

Schrems vs Facebook : DPC

L’avocat autrichien Maximilian Schrems (« Max Schrems »), alors étudiant en droit, portait plainte en 2011 contre Facebook pour violation de plusieurs dispositions européennes en matière de protection des données.

Comme le siège de la filiale européenne de Facebook est en Irlande, il portait plainte devant l’Irish Data Protection Commissioner (DPC), l’homologue irlandais de la CNIL en France.

Sans doute parce que l’économie de ce pays repose sur les avantages fiscaux et le laisser-faire concédés aux grands groupes américains et étrangers pour qu’ils y implantent leur filiale européenne, le DPC a toujours refusé de se prononcer sur ce dossier, et n’a même pas accordé les droits procéduraux de base à Schrems comme l’accès aux documents, les preuves et les contre-arguments.

Schrems vs Facebook : Autriche

Il retirait donc sa plainte, et poursuivait Facebook en 2014 devant les tribunaux autrichiens, en cherchant le statut de recours collectif. Avec son site fbclaims.com, il obtenait que des utilisateurs de Facebook, qu’il limitera à 25 000, lui cèdent leurs droits pour cette action.

Facebook répondait que les juridictions autrichiennes n’étaient pas internationalement compétentes, le « for du consommateur » ne s’appliquant pas dans ce cas, et que Schrems ne pouvait pas rechercher un recours collectif.

Saisie en dernière instance, la Cour suprême autrichienne (Oberster Gerichtshof) demandait alors à la Cour de justice de l’Union européenne (CURIA) de préciser les conditions dans lesquelles le for du consommateur peut être invoqué.

Affaire C-498-16, Maximilian Schrems/Facebook Ireland Limited

Aujourd’hui, dans son arrêt dans l’affaire C-498-16, Maximilian Schrems/Facebook Ireland Limited, la CURIA déclare :

– Que Maximilian Schrems peut attaquer Facebook devant les tribunaux autrichiens, sa qualité de professionnel ne saurait lui ôter la qualité de consommateur;

– Qu’il ne peut en revanche pas transformer son action en justice devant les tribunaux autrichiens en recours collectif, parce que le for du consommateur ne s’applique que si le demandeur est partie du contrat de consommation en cause.

C’est donc une défaite majeure pour Facebook, une grande victoire de Maximilian Schrems, pour tous les citoyens européens, qui n’auront pas systématiquement à se porter, à très grands frais, devant une DPC sourde et inerte.

Le fait de devoir passer par les juridictions irlandaises est l’une des protections majeures utilisées par les multinationales américaines pour décourager les citoyens européens de chercher justice.

Pour d’autres, la décision de la CURIA montre à quel point il est nécessaire de créer un instrument juridique de recours collectif à l’échelle européenne.

Schrems donne l’exemple de quelqu’un ayant acheté une voiture d’occasion Volkswagen. Comme il n’est pas partie du contrat entre Volkswagen et le propriétaire original, il ne pourra pas se tourner contre Volkswagen dans l’affaire dielselgate dans le cadre d’un recours collectif.

Sans surprise, Facebook présente l’arrêt comme une victoire, puisque Schrems ne peut lancer de recours collectif.

 

Renvoi préjudiciel

Selon une jurisprudence constante, l’interprétation que la Cour donne d’une règle de droit de l’Union dans le cadre d’une procédure préjudicielle éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée à compter de son entrée en vigueur.

Il s’ensuit que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt sur la demande d’interprétation si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de cette règle se trouvent réunies.

Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d’un litige dont elles sont saisies, d’interroger la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’un acte de l’Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.