L’Assemblée nationale vote deux propositions de loi sur la manipulation de l’information

La procédure

L’Assemblée nationale a voté dans la nuit de mardi à mercredi par procédure accélérée deux propositions de loi controversées sur la « manipulation de l’information » ou « fake news » en période électorale.

Leur examen avait été suspendu au début de juin, après des heures d’un débat tendu.

L’une est ordinaire, l’autre, portant sur l’élection présidentielle, est organique. Une loi organique doit être adoptée par l’Assemblée nationale à la majorité absolue en cas de désaccord du sénat, et elle est obligatoirement soumise au Conseil constitutionnel.

La première proposition de loi, nr 799, 154 amendements, a été adoptée par 52 voix contre 22. La deuxième, nr 900, 219 amendements, a été adoptée par 54 voix contre 21. Pour mémoire, 577 députés siègent de temps à autre à l’Assemblée nationale.

Les deux propositions ne sont soutenues que par LREM et le Modem, malgré des réserves sur ce « premier pas ».

Richard Ferrand, qui s’est illustré par l’enrichissement supposé de sa femme et de sa fille au détriment des Mutuelles de Bretagne et de l’argent public*, est l’auteur de la première proposition de loi.

Le contenu

Les deux propositions autorisent un candidat ou un parti à saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de « fausses informations » durant les trois mois précédant un scrutin national.

Le juge des référés devra décider dans les deux jours si ces informations sont diffusées de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive.

Les deux propositions imposent aussi aux plateformes numériques comme Facebook et Twitter un devoir de transparence : indiquer les sommes versées, développer un système permettant aux utilisateurs de signaler des fausses informations, voire expliquer leurs algorithmes.

Celles qui dépassent un certain volume de connexions par jour devront avoir un représentant légal en France.

Le CSA pourra aussi empêcher, suspendre ou interrompre la diffusion de services de télévision contrôlés « par un État étranger ou sous l’influence de cet État », et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, « dont le fonctionnement régulier de ses institutions ».

Les controverses

Début juin, la rapporteuse Naïma Moutchou avait fait voter une nouvelle définition des fausses informations : « Toute allégation ou imputation d’un fait, inexacte ou trompeuse, constitue une fausse information. »

Une formulation qui pourrait être une porte ouverte à la censure, aux atteintes à la liberté d’opinion et d’expression, et une « police de la pensée ».

Pour la droite comme pour la gauche, ce texte est au mieux inapplicable et inefficace, parce que la propagation sur les réseaux sociaux est très rapide et les sites incriminés sont hébergés le plus souvent à l’étranger, au pire dangereux pour la liberté d’opinion.

Si le juge des référés n’a pas les éléments pour interdire une fausse nouvelle, il pourrait la légitimer,  craignent les syndicats de journalistes.

Certains députés se demandent si, en cas d’ingérence d’un État étranger dans les intérêts fondamentaux de la nation, il est bien raisonnable de déléguer la censure au CSA, et non aux députés.

La séance publique à l’Assemblée nationale sur la lutte contre la manipulation de l’information peut être vue sur LCP.

 

* Richard Ferrand s’en est d’abord sorti par prescription, mais Au regard de la décision du Procureur de la République de Brest, annoncée le 26 mai 2017, de ne pas ouvrir d’enquête préliminaire dans l’affaire Richard Ferrand, Anticor avait déposé plainte, le 31 mai 2017. Le lendemain, le Parquet s’était finalement résolu à ouvrir une enquête qui s’était conclue par un classement sans suite, le 13 octobre 2017.

En sa qualité d’association agréée par le Ministère de la Justice, Anticor avait déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du pôle financier de Paris, le 8 novembre 2017, pour prise illégale d’intérêts, recel de prise illégale d’intérêts, complicité de prise illégale d’intérêts et, accessoirement, pour obstacle à la mission de contrôle du commissaire au compte.

Le juge d’instruction désigné, Renaud Van Ruymbeke, a ouvert, le 12 janvier 2018, une information judiciaire, conformément aux réquisitions du Parquet national financier.

À l’issue cette enquête, le juge d’instruction rendra soit une ordonnance de non-lieu, soit une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.