Pratiques illégales

La Commission accuse Google de violer les règles de la concurrence de l’Union européenne.

Google tire la grande majorité de ses recettes de son moteur de recherche. Pour profiter d’un marché émergent, devenu depuis le premier marché pour son moteur de recherche, Google a racheté et développé Android, puis s’est livrée à trois types de pratiques illégales pour empêcher toute concurrence :

Vente liée illégale des applications de recherche et de navigation de Google

  • La vente liée de l’application Google Search. Google fait ainsi en sorte que son application Google Search soit pré-installée sur pratiquement tous les appareils Android vendus dans l’Espace Économique Européen (EEE). Les applications de recherche représentent un point d’entrée important pour les recherches effectuées sur les appareils mobiles. La Commission a estimé que cette vente liée était illégale dès 2011, date à partir de laquelle Google a acquis une position dominante sur le marché des boutiques d’applications en ligne pour le système d’exploitation mobile Android ;
  • La vente liée du navigateur Google Chrome. Google fait ainsi en sorte que son navigateur mobile soit pré-installé sur pratiquement tous les appareils Android vendus dans l’EEE. Les navigateurs représentent également un point d’entrée important pour les recherches effectuées sur les appareils mobiles et Google Search est le moteur de recherche par défaut sur Google Chrome. La Commission a estimé que cette vente liée était illégale dès 2012, date à partir de laquelle Google a inclus le navigateur Chrome dans son offre groupée d’applications.

Résultat : en 2016, Google détient un monopole sur les recherches mobiles, avec 96 % de parts de marché sur les appareils Android, où Google Search et Google Chrome sont pré-installés, contre moins de 25 % sur les appareils Windows Mobile, où ni l’une ni l’autre ne sont installées.

La Commission réfute l’argument de Google selon laquelle ces ventes liées étaient nécessaires, afin de rentabiliser son investissement dans Android, car l’entreprise gagne déjà des milliards avec le magasin Google Play.

Paiements illégaux subordonnés à la pré-installation exclusive de Google Search

Google a accordé des incitations financières importantes à certains des plus gros fabricants d’appareils ainsi qu’à des opérateurs de réseaux mobiles, à la condition qu’ils pré-installent exclusivement Google Search sur toute leur gamme d’appareils Android. Cela a porté préjudice à la concurrence du fait de la réduction significative de leurs incitations à pré-installer des applications de recherche concurrentes.

L’enquête de la Commission a révélé qu’un moteur de recherche concurrent n’aurait pas pu compenser la perte des recettes liées aux paiements effectués par Google subie par un fabricant d’appareils ou un opérateur de réseaux mobiles tout en continuant à générer des bénéfices. En effet, même si ce moteur de recherche concurrent était pré-installé sur une partie des appareils seulement, ceux-ci devraient compenser la perte de recettes subie par ce fabricant ou cet opérateur de réseaux mobiles pour l’ensemble des appareils.

Obstruction illégale au développement et à la distribution de systèmes d’exploitation Android concurrents

Google a empêché des fabricants d’appareils d’utiliser une autre version d’Android non approuvée par elle (forks Android). Pour pouvoir pré-installer sur leurs appareils les applications propriétaires de Google, y compris Play Store et Google Search, les fabricants devaient s’engager à ne développer ou vendre aucun appareil fonctionnant sous un fork Android. La Commission a estimé que ce comportement était abusif dès 2011, date à partir de laquelle Google a acquis une position dominante sur le marché des boutiques d’applications en ligne pour le système d’exploitation mobile Android.

Les effets des pratiques illégales de Google

Dans sa décision, la Commission conclut que ces trois types d’abus font partie d’une stratégie globale de Google visant à consolider sa position dominante sur le marché de la recherche générale sur l’internet alors que l’importance de l’internet mobile augmentait de façon significative.

Premièrement, les pratiques de Google ont empêché des moteurs de recherche concurrents d’affronter la concurrence en s’appuyant sur leurs mérites. Les pratiques de ventes liées ont garanti la pré-installation du moteur de recherche et du navigateur de Google sur la quasi-totalité des appareils Google Android, et les paiements d’exclusivité ont fortement réduit l’incitation à pré-installer des moteurs de recherche concurrents. Google a également entravé le développement de forks Android, qui auraient pu fournir une plateforme permettant à des moteurs de recherche concurrents d’enregistrer un trafic accru. La stratégie de Google a également empêché des moteurs de recherche concurrents de collecter davantage de données provenant d’appareils mobiles intelligents, y compris des données de recherche et de localisation, ce qui l’a aidée à consolider sa position dominante en tant que moteur de recherche.

En outre, les pratiques de Google ont également porté préjudice à la concurrence et à la poursuite de l’innovation dans le secteur plus large de l’internet mobile, au-delà de la simple recherche sur l’internet. En effet, elles ont empêché d’autres navigateurs mobiles de concurrencer efficacement le navigateur Google Chrome pré-installé. Enfin, Google a entravé le développement de forks Android, qui auraient pu fournir une plateforme permettant également à d’autres développeurs d’applications de se développer.

Conséquences de la décision

La Commission inflige une amende à Google de 4 342 865 000 euros. Google doit maintenant mettre effectivement fin à ces pratiques dans les 90 jours, sous peine de se voir infliger des astreintes allant jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen mondial d’Alphabet, sa société mère.

Sundar Pichai, CEO de Google, affirme qu’Android a créé plus de choix, et que Google va faire appel de la décision.

Si l’on se réjouit que la Commission finisse par punir les abus de position dominante, on peut regretter qu’elle ait mis tant de temps. Deux ans avant, cela aurait sans doute incité Microsoft et BlackBerry à persévérer avec leurs systèmes d’exploitation mobiles respectifs, et l’on aurait eu un marché à quatre compétiteurs principaux (Apple, Google, Microsoft, BlackBerry) plutôt que deux.