Droit au déréférencement : la CNIL retoquée par la Cour européenne

Le droit au déréférencement, parfois nommé droit à l’oubli, est le droit conféré à tout citoyen européen de demander à un moteur de recherche de supprimer certains résultats associés à ses noms et prénoms, lors d’une requête sur son identité.

Dans la mesure où cette information peut lui porter préjudice, et sauf s’il apparaît pour des raisons particulières, tels que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique.

Ce droit, qui ne remet pas en cause les informations publiées sur des sites tiers sur la Toile, est confirmé dans un arrêt historique de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, CURIA), dans une affaire qui opposait Google à un citoyen espagnol.

Le 12 juin 2015, la CNIL mit en demeure Google de procéder aux déréférencements sur toutes les extensions du moteur de recherche, considérant que le déréférencement, pour être effectif, doit concerner toutes les extensions et que le service proposé via le moteur de recherche « Google search » correspond à un traitement unique.

Google, qui procéda à une délimitation géographique (« géoblocage ») pour l’application du droit en Europe, refusa de se conformer à la mise en demeure, parce qu’elle transforme une loi européenne en une contrainte globale.

La CNIL rejeta le recours de Google en septembre 2015,

Le 10 mars 2016, elle infligea alors une amende de 100 000 euros à Google.

Google, soutenue par Microsoft, propriétaire du moteur de recherche Bing, la Fondation Wikimedia, la Fondation pour la liberté de la presse, Internet Freedom Foundation et Article 19, saisit le Conseil d’État contre la décision de la CNIL.

Le Conseil d’État fit une demande de décision préjudicielle à la CURIA le 24 février 2017, portant sur l’interprétation de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

Elle était en effet encore applicable à la date de l’introduction de la demande de décision préjudicielle. Cette directive a été abrogée avec effet au 25 mai 2018, date à partir de laquelle est applicable le règlement 2016/679.

Dans son arrêt du 24 septembre (affaire C‑136/17), la CURIA confirme que le droit au déréférencement est limité aux résultats à la suite de recherches effectuées depuis le territoire européen. Les résultats de recherche resteront donc accessibles en cas de recherche effectuée en dehors de l’Union européenne.

La CNIL est donc retoquée, c’est une victoire pour Google.

Toutefois, la CURIA précise que les moteurs de recherche doivent prendre des mesures efficaces pour empêcher, ou au moins sérieusement décourager, qu’un internaute européen puisse avoir accès aux liens déréférencés.

Et que si le droit de l’Union n’impose pas le déréférencement mondial, il ne l’interdit pas non plus. Une autorité de contrôle comme la CNIL serait compétente pour obliger un moteur de recherche à déréférencer les résultats sur toutes les versions de son moteur si cela est justifié, dans certains cas, pour garantir les droits de la personne concernée.

C’est donc au Conseil d’État de décider si l’on est dans ce cas de figure, ou si l’amende de la CNIL envers Google était injustifiée. La seconde option nous semble la plus réaliste.