Publicité numérique : les secrets de l’entente illégale entre Google et Facebook

En 2017, Facebook annonça tester un nouveau moyen de vendre des publicités en ligne qui menacerait le contrôle du marché des publicités numérique par Google : l’enchère sur en-tête. Google et Facebook forment le duopole de la publicité numérique avec une part de marché mondiale de plus de 50 %.

Mais en 2018, Facebook fit volte-face, et informa se joindre à une alliance d’entreprises s’attaquant au même problème, menées par Google.

Facebook n’indiqua jamais pourquoi elle abandonna son projet, mais on peut facilement le déduire des preuves avancées dans la poursuite antitrust lancée il y a un mois par les procureurs généraux de 10 États des États-Unis.

Le New York Times a pu mettre la main sur une version préliminaire de la plainte, qui n’est pas encore censurée, et a enquêté.

Des membres de l’alliance affirment qu’ils ne reçurent pas des termes aussi généreux de Google et que l’accord, nom de code « Jedi Blue » profitait bien plus à Facebook que les autres.

Ces membres, qui conservent l’anonymat de peur de représailles de Google, prétendent qu’ils ne savaient pas que Google avait conféré alors de tels avantages à Facebook.

L’accord porte sur la publicité programmatique dans laquelle les espaces publicitaires sont vendus et achetés automatiquement par des systèmes informatiques, et qui représente plus de 60 % de la publicité numérique, un pourcentage qui ne cesse de croître.

Une méthode, nommée enchère sur l’en-tête, permit aux éditeurs de rétablir un semblant de concurrence, en sollicitant en même temps les enchères de plusieurs plateformes concurrentes, afin de moins dépendre des plateformes de Google.

Pour contrer des pertes d’affaires conséquentes, Google inventa l « Open Bidding », un système permettant aux membres de l’alliance de concurrencer Google, mais qui reste toutefois moins transparent que les enchères sur l’en-tête. Sans compter que Google s’arroge une commission sur chaque enchère gagnante.

Facebook annonça en décembre 2018 avoir rejoint le programme de Google, sans toutefois dévoiler les avantages spéciaux qu’elle reçut au détriment des autres membres de l’alliance : des informations spéciales et un avantage de vitesse, cruciaux pour gagner les enchères, et même la garantie d’un taux de victoire.

Facebook aurait bénéficié d’une durée de 300 millisecondes pour enchérir sur les publicités, quand les autres ne disposaient que de 160 ms ou moins.

Alors que Google contrôlait les informations de prix, érigeant un mur entre les membres de l’alliance d’un côté et les propriétaires de sites d’un autre, et cachant combien d’enchères gagnantes les sites recevaient, Facebook obtint un avantage de taille : une relation directe de facturation avec les sites sur lesquels les publicités apparaissaient.

Facebook put identifier jusqu’à 80 % des utilisateurs mobiles et 60 % des surfeurs du web alors que les autres membres ne bénéficiaient de pratiquement aucune connaissance sur les personnes à qui on montrait les publicités.

D’après un consultant spécialiste interrogé par le New York Times, cela revenait à permettre au réseau social de « démarrer chaque tournoi dans les finales ».

Et Facebook exigea que Google n’exploite pas les données sur ses enchères pour manipuler les enchères en sa propre faveur, une garantie qui n’était pas étendue aux autres membres de l’alliance.

En retour, Facebook promit de faire des offres sur au moins 90 % des enchères dont il pouvait identifier l’utilisateur final, et s’engagea à dépenser une somme minimale par an : au moins 500 millions de dollars la 4e année de l’accord.

La clause la pire du point de vue de la concurrence étant que Facebook gagne un pourcentage fixe d’enchères auxquelles elle participe, quel que soit le montant des offres des autres enchérisseurs.

Alors que les deux entreprises refusent de reconnaître qu’il s’agit d’abus patents de position dominante, leur accord cite plus de 20 fois le terme antitrust, et contient une clause de coopération et d’assistance mutuelle en cas d’enquête pour des motifs de concurrence.