La Commission européenne fait appel de la décision sur les 13 milliards d’euros d’arriérés d’impôts qu’Apple devrait payer

Décision antitrust de la Commission européenne contre Apple

En 2016, sous l’impulsion de Margrethe Vestager, alors Commissaire européenne à la concurrence, la Commission européenne exigea que les autorités fiscales irlandaises récupèrent 13 milliards d’arriérés d’impôts sur Apple, leur reprochant d’avoir convenu d’une entente de faveur qui permit à Apple de profiter d’un taux d’imposition effectif de 0,005 % à 1 % de ses profits européens sur plus de dix ans.

Appel d’Apple

En décembre 2016, Apple fit appel de la décision de la Commission européenne.

Décision du Tribunal de l’Union européenne

En juillet 2020, le Tribunal de l’Union européenne annula la décision de la Commission européenne, estimant que la Commission européenne n’avait pas prouvé que les avantages fiscaux conférés à Apple Sales International (ASI) et Apple Operations Europe (AOE), deux sociétés de droit irlandais mais pas résidentes fiscales irlandaises, étaient sélectifs, et donc des aides d’États en faveur des deux sociétés.

Appel de la décision du Tribunal de l’Union européenne

Aujourd’hui, la Commission européenne interjette appel de la décision du Tribunal, qui aurait commis plusieurs erreurs de droit en rejetant la décision de la Commission :

  • Il aurait mésinterprété la décision en concluant que la preuve principale de la découverte d’un avantage se baisait uniquement sur l’absence d’employés et de présence physique aux sièges d’ASI et AOE, ce qui serait une violation de procédure. Sa reconnaissance dans les paragraphes 268 à 283 et 286 à 287 du jugement, que la décision examine les fonctions effectuées par les filiales irlandaises pour la justification de l’attribution de licences de propriétés intellectuelles d’Apple, constituerait un raisonnement contradictoire, et donc une absence de motivation ;
  • Dans de nombreux paragraphes du jugement en appel, le Tribunal violerait l’approche de l’entité séparée et du ALP (Arm’s length principal : la condition ou le fait que les parties d’une transaction soient indépendantes et sur un pied d’égalité), en infraction de l’Article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFEU), et une distorsion de la loi nationale. L’incapacité du Tribunal à considérer les explications de la Commission pour lesquelles les fonctions effectuées par Apple Inc ne sont pas pertinentes pour l’attribution du profit à ASI et AOE serait une violation de procédure et une absence de motivation ;
  • Dans trois autres paragraphes du jugement en appel, le Tribunal violerait l’approche de l’entité séparée et du ALP, ce qui constitue une infraction de l’Article 107 du TFEU et des lois nationales, en décidant que les actes formels des directeurs d’ASI et AOE constituent des fonctions effectuées par leurs sièges en relation avec les licences de propriété intellectuelles d’Apple. L’incapacité du Tribunal à considérer les explications de la Commission constituerait une violation de la procédure et une absence de motivation. La propension du Tribunal à s’appuyer sur des preuves inadmissibles constituerait une violation de la procédure.

La deuxième motivation de l’appel : le Tribunal aurait effectué des erreurs en droit en rejetant la conclusion de la Décision de l’avantage de la filiale.

La Commission exige donc que la Cour rejette les défenses 1 à 4, plus 8, dans l’affaire T-778/16, ainsi que les défenses 5,8 et 14 dans l’affaire T-892/16, et renvoie l’affaire devant la Cour.

Conséquences

Pour Apple, qui engrange bon an mal an des dizaines de milliards de dollars de bénéfices, l’enjeu est la fierté du groupe.

Pour la Commission, l’enjeu est sa crédibilité.

Pour Vestager, qui fut promue vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, il en va de son futur en politique.

Pour les Européens, considérer la maison mère et les filiales de manière séparée permettrait aux entreprises internationales de s’approprier le beurre et l’argent du beurre en réduisant le montant de leurs impositions, déjà si amenuisées par les milles tours de passe-passe en évasion fiscale.