Intel Fab D1D, Hillsboro, Oregon

Intel perd son recours contre la Commission européenne et paiera 1,06 milliards d’amende

Les pratiques anti-compétitives d’Intel au détriment d’AMD

Le 18 octobre 2000, AMD (Advanced Micro Devices, Inc) soumettait à la Commission européenne une plainte formelle contre Intel, qu’elle accusait de pratiques anti-compétitives illégales.

Le 26 novembre 2003, elle apportait de nouveaux éléments de preuves et en mai 2004, la Commission lançait des enquêtes.

Le 26 juillet 2007, la Commission notifiait Intel de ses griefs.

Elle reprochait à Intel son comportement à l’égard de cinq grands équipementiers informatiques, Dell, Hewlett-Packard, Acer, NEC et IBM. Elle leur donnait des rabais d’autant plus grands qu’ils limitaient leurs achats de puces concurrentes chez AMD.

Elle lui reprochait aussi d’avoir payé la chaîne de distribution allemande Media Saturn pour ne vendre que des ordinateurs à processeurs Intel.

Pendant plus de deux ans, Intel, au lieu de répondre, fait traîner le dossier en ne répondant jamais dans les temps impartis et en posant de nombreux recours.

Durant ce temps, la Communauté complète son dossier et constate des pratiques anti-compétitives additionnelles avec Lenovo.

Le 13 mai 2009, la Commission Européenne adoptait la résolution finale. Intel, qui avait une position dominante avec plus de 70 % du marché, avait commis une violation unique et continue de l’article 82 CE et de l’article 54 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), entre octobre 2002 et décembre 2007, en mettant en œuvre une stratégie visant à exclure AMD, du marché des CPU d’architecture x86.

En conséquence, elle lui inflige une amende de 1,06 milliard d’euros.

 

Le recours d’Intel

Le 22 juillet 2009, Intel présentait un recours.

Elle demandait d’une part l’annulation entière ou partielle de la décision, et à titre subsidiaire d’annuler ou de réduire substantiellement le montant de l’amende imposée, et enfin de condamner la Commission aux dépens.

Par la suite, l’Union fédérale des consommateurs UFC que choisir se porte au soutien de la Commission et l’Association for Competitive Technology se porte au soutien d’Intel.

 

L’arrêt du 12 juin 2014 de la Cour de justice de l’Union européenne

Le 12 juin 2014, le tribunal de la Cour de justice déboute Intel et confirme la décision de la Commission, dans un arrêt de 300 pages.

La Commission a démontré à suffisance de droit que la requérante a essayé de dissimuler la nature anticoncurrentielle de ses pratiques.

La Commission a prouvé à suffisance de droit que la requérante a mis en œuvre une stratégie d’ensemble à long terme visant à barrer l’accès d’AMD aux canaux de vente les plus importants d’un point de vue stratégique.

Enfin, la Commission n’a pas exagéré le montant de l’amende (moins de 5 % du chiffre d’affaires 2008 d’Intel contre 10 % possibles).

Lors du calcul, la Commission n’a utilisé aucune circonstance aggravante alors qu’elle aurait pu, au vu de la dissimulation de l’infraction.

Intel peut faire appel de la décision, mais uniquement sur des points de droit: elle n’a pas précisé ses intentions.

 

Notre avis

Malgré tout le bien que nous pensons d’Intel, on peut regretter qu’elle ait réussi à faire traîner les choses pendant 14 ans. 14 années pendant lesquelles AMD a bien failli disparaître et durant lesquelles elle a profité des fruits de l’affaiblissement de son concurrent principal.

On aimerait justifier l’incroyable supériorité des processeurs Intel actuels par rapport à ceux d’AMD, exclusivement par le talent des ingénieurs d’Intel, mais si AMD avait bénéficié d’un marché sain, on est en droit de penser qu’elle aurait pu pousser l’avantage de l’AMD Opteron, qui fit si peur à Intel, bien plus loin.

On souhaiterait une justice bien plus véloce, sans quoi les décisions de justice ont une utilité tout au plus marginale. On souhaiterait des amendes revues très nettement à la hausse pour pénaliser le manque de coopération systématique, et les appels pour gagner du temps.