Euris obtient gain de cause auprès de l’Autorité de la concurrence

Euris

La société Euris, spécialisée dans les solutions de gestion de la relation clientèle (CRM) dans les domaines de la santé, est créée à l’initiative de l’Anvar (devenue Oséo, fusionnée avec bpifrance) en 2000.

Sa solution, NetReps est plébiscitée et elle connaît une croissance de 30 % par an jusqu’en 2007. Elle atteint l’équilibre dès 2003.

Elle utilise les données d’une base de données, PharBase, produite par Dendrite, dont elle est d’ailleurs seule distributrice en France.

 

Cegedim

En 2007, la société Cegedim, le leader mondial du CRM pour l’industrie pharmaceutique, rachète Dendrite.

Elle intègre les données de Phar Base dans sa base de données OneKey, qui comprend les professionnels de santé, les établissements de soins et certaines professions paramédicales comme les infirmières ou les kinésithérapeutes; et PharBase n’est plus disponible.

OneKey est la base de données leader mondiale utilisée par plus de 160 000 professionnels. Elle doit sa position unique aux mises à jour, qui sont effectuées par les visiteurs médicaux à l’occasion de chaque visite.

En mars 2007, Dendrite rompt toute relation commerciale avec Euris.

 

Abus de position dominante ?

Cegedim offre sa propre solution de CRM, TEAMS.

Elle refuse de vendre un accès OneKey à Euris, ainsi qu’à tous ses clients, effectifs ou potentiels, alors qu’elle accepte de la vendre à des utilisateurs ayant recours à des logiciels concurrents.

Hors l’intérêt de la solution CRM d’Euris est intrinsèquement liée à la base de données sur les professionnels de la santé. Sans base, la solution n’a pas d’intérêt.

Euris tente de trouver une solution, Metabase, où les clients mettent eux-mêmes à jour les informations.

Dendrite accuse Euris de contrefaçon en octobre 2007, en faisant valoir qu’elle poursuivait

« une utilisation non autorisée des extractions de la base de données PharBase, ainsi que des fichiers contenant des extractions de la base de données PharBase pour constituer et mettre à jour une base de données concurrente intitulée MédiBase. »

Des accusations qui n’obtiendront pas gain de cause au Tribunal de Nanterre.

Comme Phar Base n’est plus disponible, OneKey devient indispensable. Privée d’accès, Euris, qui saisit l’Autorité de la concurrence en 2008, accuse Cegedim d’abuser de sa position dominante, et de vouloir la faire disparaître.

Effectivement, l’activité d’Euris périclite en 2007, et la société est au bord du dépôt de bilan en 2012, ayant licencié les trois quarts de ses effectifs.

 

La décision

Le 8 juillet, l’Autorité de la concurrence a rendu sa décision.

Pour elle, Cegedim a bien une position dominante en France, avec une part de marché estimée à 78 % (Cegedim n’en reconnaissait que 22 % sans pouvoir mentionner les autres acteurs supposés).

En refusant de vendre sa base de données OneKey de façon discriminatoire, qui n’est pas justifiée économiquement, aux seuls utilisateurs actuels et potentiels de solutions logicielles commercialisées par Euris, elle abuse bien de sa position dominante.

Elle a affaibli la société Euris et qu’elle a failli faire disparaître, en incitant certains de ses clients potentiels à opter pour un fournisseur concurrent mais elle a également privé les laboratoires de la possibilité d’utiliser la base de données de Cegedim avec une solution CRM proposée par Euris.

Sur la base de 4 % du chiffre d’affaires de Cegedim, et d’un taux multiplicateur de 3,25 fonction de la durée de l’infraction (5 ans et demi), l’Autorité de la concurrence inflige une sanction pécuniaire de 5 767 000 euros à la société Cegedim. Cette sanction est conforme aux directives européennes, puisqu’elle ne dépasse pas 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’accusé (927 millions d’euros).

Il est aussi ordonné à Cegedim de ne plus opérer de discriminations entre ses clients sur la base du choix du logiciel de CRM.

 

Conclusion

Si Euris n’a pas obtenu gain de cause sur tous les points, notamment sur l’acharnement judiciaire supposé de Cegedim, la décision du 8 juillet est clairement une victoire pour elle.

Elle peut si elle le souhaite intenter une action en réparation pour obtenir dommages et intérêts.

Notons toutefois que la société Cegedim peut si elle le désire, interjeter un appel de la décision de l’Autorité de la concurrence.