Elon Musk et Ying Yong, maire de Shanghai

Tesla ressort le serpent de mer de l’usine en Chine

Elon Musk avait promis l’enfer aux vendeurs à découvert au début du mois avec la publication des chiffres de production. L’inverse s’est produit, avec une chute du cours de l’action.

Depuis, le CEO de Tesla a repris son chapeau d’illusionniste.

Il a d’abord copieusement insulté les journalistes qui publiaient des articles ne lui convenant pas, demandant sur Twitter, où il est suivi par plus de 22 millions de passionnés, sous forme de questions pour ne pas être poursuivi en justice, si telle journaliste était corrompue ou si elle avait payé ses informateurs pour lui fournir des informations confidentielles.

Une campagne de dénigrement qui a déclenché des réactions négatives.

Musk s’est alors improvisé sauveur d’enfants Thai, en développant un mini-sous-marin avec des ingénieurs de SpaceX, censé aider les équipes de secours cherchant à ramener une équipe de jeunes footballeurs coincés dans une grotte avec leur entraîneur depuis plus de dix jours.

À grand renfort de vidéos, il a détaillé les progrès du projet, alors que les enfants ont été sauvés pendant ce temps.

Puis il est parti en Chine pour signer un accord préliminaire avec le gouvernement de Shanghai, portant sur la construction d’une usine qui sera aussi grande que la Gigafactory américaine, et qui produira à terme 500 000 véhicules électriques par an.

Le gouvernement de Shanghai a annoncé la signature du protocole d’accord sur WeChat.

Et cela fonctionne : le cours de l’action rebondit, de 2,9 % mardi.

Pourtant, l’usine en Chine est un serpent de mer que Musk ressort à chaque fois que le cours de l’action baisse, tout comme la semi-remorque, le roadster ou le Model Y.

La dernière fois, c’était le 5 juin lors de l’assemblée annuelle des actionnaires, où il promettait des informations d’un impact considérable avec la création d’une usine en Chine, pour la semaine d’après.  Ce qui ne s’est pas concrétisé.

La fois d’avant, c’était il y a un an, où Tesla affirmait négocier avec le gouvernement de Shanghai.

Pourquoi douter du projet ?

Une production de 500 000 véhicules par an, c’est ce que Musk avait promis en 2016 pour l’usine de Californie en 2018. Un objectif qui sera raté de loin, Tesla ayant dû utiliser tous les artifices (travail forcé, ligne de production sous une tente, « factory gated cars ») pour parvenir à une seule semaine de production de 5 000 Model 3.

Au total, l’usine a produit 88 000 véhicules au premier semestre. Il faudrait donc que Tesla multiplie sa production par 4,7 au second semestre pour atteindre l’objectif des 500 000.

À force de perdre plus de 700 millions par trimestre, le constructeur automobile ne va pas pouvoir continuer à produire longtemps. La plupart des analystes estiment que Tesla va devoir lever des fonds dans les prochains mois pour continuer à tourner. Goldmans Sachs estime même que le constructeur devra lever 10 milliards de dollars de fonds avant 2020.

De nombreux fournisseurs de Tesla ont dû lancer des actions en justice contre le constructeur, qui ne les paie pas.

Dans ces conditions, comment financer une usine en Chine ?

Comme à son habitude, Tesla promet habilement tout, tout en ne promettant rien.

L’accord est préliminaire. Le constructeur doit encore obtenir les autorisations et les permis nécessaires. Il faudra deux ans avant de produire des véhicules. Puis il faudra deux à trois années de plus pour que l’usine produise 500 000 véhicules électriques par an pour le marché chinois.

Le marché Chinois, deuxième marché automobile du monde, est un marché clé pour Tesla. En 2017, il représentait 17 % du chiffre d’affaires du constructeur.

Malheureusement, le président Donald Trump a lancé une guerre commerciale avec la plupart des pays du monde, la Chine en tête. Cette dernière a répliqué en augmentant à 40 % la taxe sur les véhicules importés, forçant Tesla à augmenter ses prix jusqu’à 30 000 dollars par modèle, ce qui réduit considérablement sa clientèle potentielle.

Durant les négociations avec les États-Unis, la Chine avait annoncé, en signe de bonne volonté, la fin de l’obligation pour les constructeurs étrangers de devoir partager les bénéfices et la technologie avec un partenaire local d’entreprise commune.

Le président Xi Jinping avait toutefois affirmé, par suite de la confirmation des sanctions américaines contre la Chine, que tous les engagements offerts étaient annulés.

Tesla n’est pas le seul à convoiter le marché chinois: il intéresse tous les grands groupes internationaux. Sur le segment des véhicules électriques, les constructeurs chinois sont eux-mêmes fort bien placés. La plupart des constructeurs ayant, à l’exception de Tesla il est vrai, décidé de ne pas produire eux-mêmes de batteries, ils seront dépendants des fournisseurs chinois.

Tesla va bientôt présenter ses résultats pour le second trimestre, sans doute début août : ils seront exécrables.