Apple contre Samsung: c’est reparti

Apple poursuit à nouveau Samsung en justice, cette fois pour 2 milliards de dollars (1,4 milliard d’euros).

Apple avait gagné son précédent procès, en 2012 et obtenu 930 millions de dollars (674 millions d’euros) de dédommagements. La juge, Lucy Koh, n’avait pas accepté d’interdire la vente de téléphones Samsung. La société coréenne fait actuellement appel de ce jugement.

L’argumentation d’Apple

Cette fois-ci, Apple veut 33 $ (24 €) par téléphone pour 5 brevets qui auraient été déterminants dans l’achat des téléphones Samsung :

  • Les adresses, numéros de téléphones, dates et heures apparaissent comme des liens dans les messages.
    Un clique sur ces liens fait apparaître le cas échéant une carte, un numéroteur ou un calendrier.
  • Synchronisation des données en arrière-plan.
  • Recherche universelle
    En entrant des mots-clés pour une recherche, on est présenté avec une liste de domaines de recherche, comme le Web ou Wikipédia.
  • Slide to unlock.
    Il s’agit de déverrouiller le téléphone à l’aide d’un mouvement du doigt, dans le cas présent de gauche à droite.
  • Autocomplétion du texte.
    Quand l’utilisateur écrit, le système lui propose plusieurs options pour terminer son mot, ce que l’utilisateur peut accepter en utilisant la touche espace.

Apple doit maintenant démontrer:

  • Que les brevets ont été violés;
  • Que les fonctionnalités dérivées ont motivé les achats de téléphones Samsung;
  • Que le dédommagement juste est 33 $ par téléphone et tablette (au total  37 millions d’unités).

 

L’argumentation de Samsung

De son côté, Samsung conteste la validité de ces 5 brevets et note qu’aucune des fonctionnalités mises en cause ne sont spécifiques à Samsung : elles sont toutes intégrées au système d’exploitation Android de Google. Elle note aussi que Google est parvenu par sa propre recherche aux fonctionnalités énoncées, et que Google a commencé le travail sur Android deux ans avant l’apparition du iPhone.

Samsung affirme que ces fonctionnalités sont mineures et qu’elles ne motivent pas les achats : qu’Apple n’utilise qu’un de ces cinq brevets pour son iPhone. Que le iPhone 5 s’est vendu en dépit de sa cartographie catastrophique, ce qui montre que le logiciel n’est pas la priorité des clients.

Samsung rappelle qu’elle est la deuxième firme à avoir déposé le plus de brevets l’an dernier aux États-Unis, derrière IBM.

Enfin Samsung affirme que la méthodologie utilisée par John Hauser, l’expert choisi par Apple pour évaluer la valeur des brevets présente de nombreux défauts.

D’une part parce que seulement 16 % des clients achètent un téléphone pour une fonctionnalité spécifique, et que dans la majorité des cas cette spécificité est physique : poids de l’appareil, taille de l’écran, autonomie de la batterie. D’autre part parce que dans son questionnaire, Hauser demande aux gens si telle ou telle fonctionnalité les intéresse. Il confond fonctionnalité et brevet car il y a d’autres façons légales d’offrir ces fonctionnalités sans enfreindre de brevets.

Le procès est jugé par la Cour fédérale du district nord de la Californie. Il devrait durer jusqu’en mai 2014.

Une législation inique?

Sans préjuger du bon droit de l’une ou l’autre partie, on peut remarquer que ce procès illustre toute la problématique des brevets logiciels, largement remis en cause en ce moment.

Le procès Alice Corporation contre CLS Bank International pourrait bien décider si la loi sur les brevets autorise vraiment l’attribution d’un brevet logiciel basé sur des idées abstraites.
Alice accuse la banque de violer un brevet logiciel qui définit une méthode pour réduire les risques d’impayés sur des transactions financières. La banque affirme que le brevet est invalide car il n’innove pas, c’est l’équivalent d’un compte en séquestre.

Dans les faits, on constate que nombre de brevets logiciels sont absurdes, qu’ils visent à extorquer de l’argent pour des processus connus de tous, que des pseudos améliorations donnent souvent droit à de nouveaux brevets. Que les documents décrivant les brevets sont souvent incompréhensibles et que c’est la seule raison pour laquelle ils sont attribués.

Dans le cas présent Apple n’a certainement pas inventé la mise à jour asynchrone ou l’autocomplétion, qui existait bien avant l’apparition des smartphones, a fortiori bien avant l’iPhone.

Enfin, le système judiciaire en matière de brevets est souvent injuste et inéquitable. On se rappellera que Blackberry avait finalement accepté de payer 612 millions de dollars au chasseur de brevets NTP. Quelques jours plus tard, l’USPTO (United States Patent and Trademark Office, l’équivalent américain de l’inpi) invalidait la plupart des brevets de NTP, mais le mal était fait.

 

Sources

Reuters

BI

Re/Code

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