La Commission détaille sa stratégie pour un marché numérique unique en Europe

L’unification des marchés numériques en Europe est la deuxième priorité de Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, pour ses objectifs de l’Europe en 2020.

Il estime que ce marché unique pourrait générer jusqu’à 250 milliards d’euros de croissance supplémentaire en Europe.

Dans une communication au Parlement européen, au Comité économique et social européen , et au Comité des régions, la Commission européenne détaille (PDF, anglais) son plan d’action selon trois lignes.

 

Un accès amélioré aux produits et services numériques pour les particuliers et les entreprises à travers l’Europe

Les particuliers pourraient économiser 11,7 milliards d’euros chaque année si les achats transnationaux se développaient. Seuls 7 % des PME européennes vendent au-delà de leurs frontières.

Pour débloquer le potentiel du commerce en ligne, la Commission veut soumettre les propositions suivantes :

– Proposition d’harmoniser les règles en Europe concernant le commerce en ligne de contenus numériques, et de créer un ensemble de droits contractuels obligatoire en Europe pour l’achat en ligne de biens matériels, d’ici la fin 2015 ;

– Lancement de mesures pour améliorer la transparence des prix et la supervision réglementaire de la livraison de colis ;

– Proposition d’interdire tous les blocages géographiques injustifiés, soumise au premier semestre 2016 ;

– Proposition d’harmonisation de la législation du droit d’auteur en Europe d’ici la fin 2015 ;

– Proposition pour minimiser le fardeau administratif de la TVA et créer des mesures de simplification paneuropéennes de la TVA pour aider les PME et les start-up de commerce en ligne.

 

Créer les conditions nécessaires au développement des réseaux et des services numériques

L’économie numérique repose sur des infrastructures saines. L’Europe a besoin d’opérateurs viables et pouvant investir continuellement dans leurs infrastructures.

– Proposition en 2016 pour réformer les régulations du secteur des télécoms, notamment minimiser la fragmentation réglementaire, harmoniser les conditions d’achat du spectre, promouvoir les investissements dans les réseaux haut débit en changeant la directive 2002/22/EC sur l’accès universel aux services.

– Revue de la directive 2010/13/EU sur les services média audiovisuels pour promouvoir les projets européens et harmoniser les règulations sur la protection des mineurs et sur la publicité ;

– Revue d’ici la fin 2015 des plateformes en ligne (moteurs de recherche, commerce en ligne, médias sociaux, …) avec les objectifs de faciliter la mobilité d’une plateforme à l’autre, de vérifier la transparence des plateformes et de l’usage qu’elles font des données qu’elles collectent, d’étudier les relations des plateformes avec leurs fournisseurs, et enfin de minimiser le piratage ;

– Établissement d’un partenariat public privé sur la cybersécurité au premier semestre 2016 ; Revue de la directive sur la protection de la vie privée en ligne, une fois que la directive sur la protection des données est votée.

 

Maximiser le potentiel de croissance de l’économie numérique

Seules 1,7 % des entreprises utilisent pleinement les progrès du numérique, et 41 % ne les utilisent pas du tout, alors que le numérique a des répercussions sur tous les secteurs d’activité, des systèmes intelligents de transport à l’énergie.

De plus, les activités à la plus forte croissance, comme l’Internet des objets ou les données massives, sont des activités numériques.

Pour maximiser le potentiel de croissance, la Commission européenne soumet les propositions suivantes :

– Initiative en 2016 de libéralisation du mouvement des données : suppression de toute règle de localisation des données pour des raisons de stockage ou de traitements, à l’exception des règles sur les données personnelles, encouragement de l’accès aux données publiques, encadrement réglementaire de la propriété et des droits relatifs aux données d’entreprise à entreprise, d’entreprise à client, de machine à machine, et des données générées par les machines. Enfin, initiative de Cloud Européen ; certification des services, contrats, possibilité de changer de fournisseur, recherche ;

– Plan de standardisation pour les domaines critiques comme la santé, les transports, l’environnement et l’énergie, en maximisant l’interopérabilité ;

– Plan d’action 2016-2020 de e-Gouvernement : système d’information simple pour les citoyens et les entreprises, passation des marchés 100 % numérique, signature électronique universelle ; principe de l’ ‘une fois seulement’ et interconnexion des registres des entreprises.

 

Conclusion

Favoriser un marché unique du numérique et du commerce en ligne en Europe est absolument nécessaire, et les mesures présentées semblent intéressantes, même si l’on aurait préféré plus d’objectifs chiffrés et de budgets déployés.

Les initiatives pour harmoniser les réglementations des pays membres et supprimer les lois protectionnistes sont impératives si l’Europe veut devenir compétitive.

La Commission devra être particulièrement prudente sur l’équilibre entre le droit fondamental à la protection des données des citoyens, et leur libéralisation pour faciliter l’activité des entreprises, souvent étrangères.

La Commission devrait ainsi cesser de manigancer avec les Américains et de conduire des négociations sans consultation sur des accords opaques en contravention directe avec les droits fondamentaux européens. A l’inverse, l’étude des régulations et des aides pour le numérique des pays les plus avancés comme les États-Unis ou la Corée, serait intéressante, ne serait-ce que pour motiver le choix éventuel d’une autre direction.

Elle devrait promouvoir l’accès numérique aux documents, contrats et accords passés par les administrations, les organismes publics et les hauts fonctionnaires, y compris de tous les organismes européens, afin de renforcer la démocratie en Europe.

La Commission européenne devrait limiter ses initiatives de certification ou de régulation aux seules situations où elles sont inexistantes, inappropriées ou protectionnistes. On peut ainsi se demander si le cloud a réellement besoin d’une certification européenne quand il existe déjà des certifications ISO appropriées.

Si la communication évoque rapidement la cybersécurité, la Commission aurait dû reconnaître la faiblesse actuelle, voire l’inexistance de la sécurité de la plupart des applis mobiles et des solutions IoT. Cette faiblesse pourrait devenir un avantage compétitif si la Commission décidait de favoriser des réglementations strictes et de promouvoir l’éducation et les compétences en la matière.

À la manière de la législation stricte sur la protection des données en Europe. Alors qu’on aurait pu croire qu’elle désavantagerait les entreprises européennes, elle est devenue un atout distinctif que nous envient les entreprises américaines, victimes de la perte de confiance due aux abus de la surveillance de masse aux États-Unis. On espère vivement que la Commission saura reconnaître ce point, et ne cherchera pas à s’aligner sur les États-Unis en matière (d’absence) de protection des données personnelles.