L’autorité de la concurrence explore l’adoption de dispositifs spécifiques aux plateformes structurantes

L’Autorité de la concurrence publie aujourd’hui une contribution au débat sur la politique de concurrence face aux enjeux posés par le développement de l’économie numérique.

Si le droit de la concurrence est, d’après l’Autorité, particulièrement efficace pour maintenir la dynamique concurrentielle de l’économie numérique, comme le montrent les décisions prises à l’échelle européenne pour un système d’exploitation (Android) et un service de publicité numérique (Adsense), ou française (Gibmédia), elle propose de définir les plateformes structurantes et envisage des dispositifs qui leur seraient propres.

Plateforme structurante

Définition

Une plateforme structurante pourrait être définie comme :

  1. Une entreprise qui fournit en ligne des services d’intermédiation, en vue d’échanger, acheter ou vendre des biens, des contenus ou des services, et :
  2. Qui détient un pouvoir de marché structurant
    1. En raison de l’importance de sa taille, sa capacité financière, sa communauté d’utilisateurs et/ou des données qu’elle détient,
    2. Lui permettant de contrôler l’accès ou d’affecter de manière significative le fonctionnement du ou des marchés sur lesquels elle intervient,
  3. À l’égard de ses concurrents, de ses utilisateurs et/ou des entreprises tierces qui dépendent pour leur activité économique de l’accès aux services qu’elle offre.

Elle propose d’établir une liste de pratiques soulevant des préoccupations de concurrence propres à ces acteurs, telles que :

– Discriminer les produits ou services concurrents utilisant leurs services ;

– Entraver l’accès aux marchés sur lesquels elles ne sont pas dominantes ou structurantes ;

– Utiliser des données sur un marché dominé pour en rendre l’accès plus difficile ;

– Rendre l’interopérabilité des produits ou services plus difficile ;

– Rendre la portabilité des données plus difficile ;

– Entraver le recours à la multidomiciliation (« multihoming »).

Mesures spécifiques

Quand une plateforme structurante met en œuvre une de ces pratiques, l’Autorité de la concurrence pourrait, au cas par cas :

  • L’accepter, mais uniquement avec des engagements obligatoires ;
  • La refuser et exiger un changement de comportement.

Toute contravention d’une plateforme structurante pourrait donner lieu à une procédure à son encontre, conformément, par exemple, à la procédure prévue en droit français par l’article L. 464-3 du code de commerce.

Une plateforme structurante refusant de se plier à une mesure devrait prouver que ses pratiques sont objectivement justifiées par des gains d’efficience.

Difficultés actuelles

Absence de saisie

Un vide juridique fait échapper plusieurs opérations de fusion ou acquisition au contrôle des autorités de concurrence dans les cas où elles concernaient une jeune pousse n’ayant pas encore monétisé son innovation. Sa valeur n’est, en effet, pas reflétée par le chiffre d’affaires qu’elle réalise et les seuils de notification ne sont le plus souvent pas franchis.

De telles acquisitions pourraient freiner l’apparition de concurrents potentiels qui auraient pu proposer au consommateur une alternative, sur un même marché ou un marché voisin.

Par exemple, les acquisitions de WhatsApp et d’Instagram par Facebook, ou celle de Double Click par Google.

Les données et les communautés

De la même manière, le contrôle de données massives et de communautés d’utilisateurs confère à toute organisation un pouvoir de marché sans précédent, sur un même marché ou un marché voisin.

Les autorités de la concurrence devraient donc y porter une attention toute particulière lors d’une analyse concurrentielle.