L’Autorité de la concurrence va estimer s’il y a lieu d’ouvrir une ou plusieurs enquêtes contentieuses sur la publicité en ligne

Enquête sectorielle sur la publicité Display

Il y a plus d’un an, l’Autorité de la concurrence a lancé une vaste enquête sectorielle sur la publicité en ligne ‘Display’, c’est-à-dire les pavés, bannières, habillages qui sont intégrés au contenu d’un site pour être vus des internautes. Avec la publicité ‘Search’ des moteurs de recherche, elle constituent la quasi-totalité de la publicité numérique.

L’Autorité rend aujourd’hui ses conclusions au terme d’une large consultation de tous les acteurs du marché. Elle va désormais  estimer s’il y a lieu d’ouvrir une ou plusieurs enquêtes contentieuses sur la publicité en ligne.

La publicité sur Internet est devenue en France le premier média publicitaire devant la télévision, avec un chiffre d’affaires estimé à près de 4 milliards d’euros en 2016, et une croissance de 12 % en 2017. L’une des raisons de son succès serait les possibilités de ciblage qu’elle permet grâce aux données collectées.

En quelques années, ce mouvement a fait naître de nouveaux métiers, de nouveaux acteurs, tels que Criteo spécialisé dans le ciblage par action (retargeting), et de nouvelles technologies. Des services sont apparus pour les annonceurs comme les trading desks, plateformes spécialisées dans l’achat programmatique et l’optimisation des campagnes ou les Demand Side Platforms (DSP), qui optimisent et automatisent l’achat d’espaces publicitaires. Côté éditeurs, les Supply Side Platforms (SSP), qui optimisent et automatisent la vente d’espaces publicitaires, se sont développés comme les Ad Networks, qui s’apparentent à des régies publicitaires qui commercialisant les espaces des petits sites indépendants.

La publicité Display est dominée par le duopole Google et Facebook. Ce duopole contrôle plus de 50 % du marché de la publicité numérique dans le monde, et près de 75 % dans le monde hors Chine.

Dans le cadre de l’instruction de l’avis, de nombreux acteurs ont décrit un ensemble de situations et de pratiques mises en œuvre par différents acteurs du secteur de la publicité, susceptibles pour certaines, si elles étaient établies, d’avoir des effets sur le jeu concurrentiel.

Les problèmes signalés

Des stratégies de couplages ou de ventes liées, de prix bas et d’exclusivités

Stratégies de couplages ou de ventes liées, de prix bas et d’exclusivités : association de plusieurs services d’intermédiation, association de services d’intermédiation et de fourniture de données de ciblage, association entre un service d’intermédiation et l’accès exclusif à l’inventaire d’un site.

Des effets de levier

Des entreprises utilisent leurs positions prépondérantes sur certains marchés de services pour se développer sur d’autres marchés, dans les secteurs de l’audit média et des agences média, de la fourniture de services publicitaires et des services d’exploitation de données aux annonceurs.

Des pratiques de traitement discriminatoire

Certains éditeurs et intermédiaires considèrent qu’ils subissent des différences de traitement de la part d’acteurs qu’ils estiment dominants dans le secteur de l’intermédiation publicitaire.
Ces comportements concernent d’une part, la possibilité de monétiser certains types de contenus, et d’autre part les conditions d’accès des DSP aux places de marché et à certains inventaires.

Des freins à l’interopérabilité

Le développement de freins à l’interopérabilité dans le secteur de l’intermédiation publicitaire pourrait affecter les conditions d’interconnexion de certains intermédiaires avec d’autres dans le cadre des enchères en temps réel et de la mise en œuvre des campagnes de leurs clients annonceurs.

Des restrictions sur les possibilités de collecter et d’accéder à certaines données

Des acteurs ont enfin souligné l’existence de restrictions concernant les possibilités de collecter et d’accéder à certaines données. Certains grands acteurs refuseraient l’intégration d’éléments de tracking des campagnes pour certains formats publicitaires, la fourniture des données relatives à la qualification par impression des audiences, ou la fourniture de statistiques de recherches des marques des annonceurs. Certains éditeurs considèrent qu’ils sont également confrontés à des limitations relatives à l’accès aux données générées par leurs services et distribués sur d’autres plateformes.

Il nous semble étrange que les acteurs n’aient pas mentionné l’une des caractéristiques fondamentales de la publicité numérique de Google et de Facebook: l’absence totale d’indépendance entre la vente d’espaces publicitaires d’un côté, et les données et statistiques, invérifiables, de diffusion et d’efficacité de ces espaces, de l’autre côté. Google et Facebook sont ainsi à la fois juge et partie.