Lors du Mobile World Congress qui se tient en ce moment à Barcelone, Pavel Durov, le PDG de Telegram, a annoncé que plus de 100 millions de personnes par mois utilisaient la messagerie chiffrée. Ce qui marque une forte progression par rapport à mai 2015, quand Telegram en comptait 60 millions.
Ces utilisateurs utilisent Telegram Messenger pour envoyer 15 milliards de messages par jour.
350 000 nouveaux utilisateurs s’inscriraient chaque jour.
Si ce nombre d’utilisateurs actifs mensuels est éclipsé par les 800 millions de Messenger de Facebook ou le milliard de WhatsApp, il est loin d’être négligeable quand on sait que Telegram n’a aucun budget publicitaire ou marketing, et qu’elle ne peut s’appuyer sur d’autres services comme le fait Facebook.
Né en 1984 comme Mark Zuckerberg, Pavel Durov avait fondé avec son frêre ainé Nikolai le réseau social russe VKontakte (rester en contact en russe) en 2006, une entreprise dont la valeur avoisina les 3 milliards d’euros.
En 2011, il était sommé par les autorités russes de fermer compte VK d’Alexei Navalny, un leader de l’opposition russe en Ukraine. Non seulement il refusait, mais il rendait publique la demande. Une attitude aussi courageuse que rare, qui lui valu le respect de la population mais l’inimité persistante du pouvoir, qui finit par le forcer à vendre ses parts dans VK en 2013 à Alisher Ousmanov, un milliardaire ami de Vladimir Putin.
En avril 2014, alors que le conflit entre la Russie et l’Ukraine s’était intensifié, il refusait à nouveau de livrer les données personnelles des comptes VK de leaders de l’opposition aux autorités, qu’il critiquait ouvertement sur la toile. Il était alors limogé de sa position de PDG, et quittait la Russie peu après.
La messagerie chiffrée programmée par les deux frères pour communiquer entre eux sans craindre les services d’espionnage russe, évolua pour devenir Telegram. Aujourd’hui, elle est développée est soutenue par une équipe d’une quinzaine de personnes, qui erre d’hôtels en locations Airbnb. Comme elle est gratuite et sans publicité, c’est Durov qui finance de sa poche le million d’euros de frais mensuels.
Durov affirme qu’il a été courtisé par les plus grandes entreprises de capital-risque du monde, mais qu’il préfère rester indépendant pour l’instant, et commencer à travailler à un modèle d’affaire d’ici un an ou deux.
D’après CNN, les messageries WhatsApp et Telegram auraient été utilisées par les terroristes responsables des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
S’il ne l’a pas mentionné durant son discours, Durov n’a jamais caché sa position sur le chiffrement. Il estime qu’un affaiblissement obligatoire ou un bannissement du chiffrement ne résoudrait en rien la lutte contre le terrorisme. Dès qu’un compte terroriste est fermé, un autre est ouvert.
En ce moment, le débat fait rage aux États-Unis, où Tim Cook, le CEO d’Apple, refuse d’apporter son aide au FBI pour les aider à accéder aux informations contenues sur le téléphone professionnel du terroriste responsable des attentats de San Bernardino le 2 décembre 2015.
Cook estime que la demande est un prélude à des portes dérobées obligatoires, qui pourraient aussi être installées par des personnes malveillantes, et que le droit au respect de la vie privée est en jeu.
James Comey, le directeur du FBI, affirme que la demande est spécifique, et qu’il ne s’agit pas de casser le chiffrement ou d’obtenir un passe-partout.
La plupart des patrons de la Silicon Valley, comme Mark Zuckerberg et Sundar Pichai, soutiennent Cook, tandis que Bill Gates se veut plus modéré, et que la majorité de la population américaine estime qu’Apple doit aider le FBI dans l’affaire de San Bernardino.