Illustration: EFF

L’EFF s’alarme de la proposition Manifest V3 de Google

L’Electronic Frontier Foundation, l’une des organisations les plus anciennes et les plus respectées de protection de la vie privé et des droits numériques, s’alarme de la proposition Manifest V3 de Google.

Il s’agit d’un ensemble de règles du navigateur Chrome pour les extensions, qui, pour l’EFF, vont nuire à la vie privée, la sécurité et l’innovation.

Or, les extensions compatibles avec son prédécesseur, Manifest V2, ne seront plus acceptées par le magasin virtuel Chrome Web Store dès janvier prochain, et ne fonctionneront plus dès janvier 2023.

Cela fait plus de deux ans que Google a dévoilé Manifest V3, présenté comme une amélioration de la sécurité, de la protection de la vie privée et des performances, et promis de tenir compte des retours.

L’EFF n’est pas la seule organisation à critiquer la proposition, tout comme l’absence totale de coopération de Google : les groupes Chromium extensions Google et W3C WebExtensions Community dénoncent l’incompatibilité de Manifest V3 avec leurs extensions, une documentation inepte et une incertitude quant aux nombreuses fonctionnalités liées à Manifest V2, qui sont manquantes dans Manifest V3.

Or Google possède près de 66 % de parts du marché des navigateurs, et nombre d’autres éditeurs, à cause des changements réguliers de Chromium dans le seul but de rendre les navigateurs de la concurrence incompatibles, n’ont eu d’autres choix que de s’aligner en adoptant Chromium comme fondation de leurs navigateurs. C’est le cas notamment de Microsoft, qui, après avoir lancé Edge avec une base de code source entièrement refondue, a tout abandonné pour baser la deuxième itération d’Edge sur Chromium.

L’EFF accuse frontalement Google d’hypcrisie : son adhésion au groupe W3C WebExtensions Community serait un simulacre de coopération, et Manifest V3 violerait la charte de ce dernier, basée sur la compatibilité, les performances, la facilité de maintenance, et l’utilisateur en tête.

Avec Manifest V2, les extensions pouvaient lancer soit des événements éphémères, soit travailler en tâche de fonds tant que le navigateur reste ouvert.

Le choix disparaît avec Manifest V3, avec des « travailleurs de services » qui n’ont même plus accès aux interfaces de programmation (API) de sites. D’après l’EFF, ce qui fonctionne pour des sites web ne fonctionne pas pour des extensions.

Aujourd’hui, une extension peut aller contre l’intention des développeurs de navigateurs, par exemple en bloquant les pisteurs, outils primordiaux de violation de la vie privée des internautes. Ce ne sera plus possible avec Manifest V3.

Un site sur GitHub énumère d’autres cas d’utilisation qui seront problématiques avec Manifest V3 : analyse syntaxique de HTML et XML, lecture audio, accès au presse-papiers, accès à des fichiers, flux WebRTC, compatibilité avec les WebSockets et Wasm, etc.

En obligeant les extensions à troquer l’utilisation de l’API webRequest pour declarativeNetRequest, les extensions ne pourront plus analyser chaque requête et décider d’en bloquer certains. Dans ces conditions, et comme par hasard, on ne pourra plus offrir ni bloqueurs de publicité, ni protection de la vie privée.

Enfin, l’EFF montre qu’une des motivations officielles de Google, l’amélioration des performances des navigateurs, est une imposture, car certaines extensions accélèrent drastiquement l’ouverture d’un site, et ces extensions ne peuvent être reprogrammées pour fonctionner avec Manifest V3.

Ce cas illustre parfaitement la raison pour laquelle il est impératif et urgent de mettre à jour la législation européenne sur la concurrence.